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Quatorze ans après sa précédente présidence du Conseil de l’Union européenne, la France fait de nouveau du contrôle des migrations l’une des priorités de la coopération euro-africaine. À l’occasion du sommet Union africaine-Union européenne, institutions actuellement présidées par le Président sénégalais Macky Sall et par le Président français Emmanuel Macron, nous, exigeons une véritable coopération internationale, d’égal à égal, basée sur des intérêts mutuels.
Les divers cadres de coopération – à travers lesquels l’UE et ses États membres organisent l’externalisation des contrôles migratoires pour maintenir à distance les personnes considérées indésirables – se multiplient au détriment du respect des droits des personnes migrantes et loin du regard des citoyen·ne·s africain.e.s et européen·ne·s.
Tout d’abord, les politiques de visas sélectives des États européens empêchent une partie des ressortissant·e·s de nombreux pays à accéder au territoire européen. En réduisant les possibilités légales d’accès au territoire, ils poussent un certain nombre de personnes sur des routes longues et dangereuses.
Les visas sont également une monnaie d’échange dans la coopération sur les migrations depuis de nombreuses années. Cette pratique de « marchandage » est désormais codifiée depuis 2020 dans le code visa Schengen qui prévoit que les États européens puissent se servir des visas « comme levier » de coopération (voir notre actualité du 2 février 2020, Expulsions contre visas : le droit à la mobilité marchandé). Dernièrement, la France a ainsi réduit de 33 à 50% l’accès aux visas de trois pays qu’elle considère comme défaillant en termes de réadmission de leurs ressortissant·e·s expulsé·e·s : la Tunisie, l’Algérie et le Maroc (voir notre communiqué du 29 septembre 2021, Les personnes migrantes ne peuvent servir de monnaie d’échange aux pressions diplomatiques).
La lutte contre les « passeurs » sert également les intérêts européens au-delà de la volonté affichée de protection des personnes en migration. En effet, si l’on prend le cas du Niger, en 2015, quelques semaines après un sommet euro africain, le pays a adopté une loi qui criminalise le trafic illicite de personnes. Dans son application, la notion de « passeur » a été « étendue à tout pourvoyeur de biens ou de services à des personnes migrantes tels que les transporteurs, les hébergeurs mais aussi les porteurs d’eau, vendeurs de rues, etc.» touchant ainsi de nombreux acteurs de la mobilité de la région d’Agadez qui dans le meilleur des cas ont perdu leur travail, et dans le pire, ont été poursuivis. Or, les mobilités dans la sous-région sont historiques, et nombreuses sont les personnes sur le continent africain qui passaient par le Niger, non pour rejoindre la Libye dans l’espoir d’aller en Europe, mais pour trouver du travail sur place. Les offres de service de mobilité depuis le Niger étaient donc vitales pour les populations locales ainsi que pour les personnes qui souhaitaient se rendre en Libye (voir notre analyse publiée le 30 novembre 2020, La mise en œuvre du fond fiduciaire d’urgence au Niger). La lutte contre les passeurs dans le cadre de la coopération européenne, que ce soit au Niger ou dans d’autres pays d’Afrique, comme au Sénégal, se traduit le plus souvent par une pénalisation de la migration, des arrestations et des poursuites sans que les personnes n’aient par ailleurs – ou rarement – accès aux conseils d’un·e avocat·e (voir notre communiqué conjoint du 1er décembre 2020 : Mort.e.s et disparu.e.s aux frontières : Les Etats irresponsables désignent de nouveaux coupables, les parents !).
À partir des années 2000, l’UE a commencé à conditionner l’aide au développement aux questions migratoires. En réaction à l’augmentation des arrivées de personnes migrantes sur les côtes européennes en 2015, les États européens verrouillent ainsi le financement du développement de ses partenaires non européens et le scellent aux questions migratoires. La Cimade et d’autres organisations – comme le collectif Loujna Tounkaranké et le réseau Migreurop – l’ont documenté en 2017 et en 2020. A travers le fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU), la politique européenne de coopération extérieure conduite au prisme principal des intérêts européens, renforce le caractère historiquement déséquilibré des relations de « coopération ». En effet, le FFU excluait les Etats bénéficiaires de la gestion et de l’élaboration des projets financés. La coopération entraîne en outre des conséquences désastreuses sur les droits des personnes migrantes, notamment celui de quitter tout pays, y compris le leur. Sous couvert d’aider ces pays à « se développer », les mesures « incitatives » européennes ne restent qu’un moyen de poursuivre ses objectifs et d’imposer sa vision des migrations. Aujourd’hui, c’est l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale – NDICI – « L’Europe dans le monde » qui soutiendra l’action extérieure globale de l’UE avec un budget global de 79,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Une enveloppe d’au moins 29,18 milliards d’euros est prévue pour l’Afrique. Une augmentation globale sur le volet « migration » de 10% est prévue, sans plus de précision pour le moment. Selon le réseau Euromed Droits, « en réalité, cette augmentation est principalement destinée à renforcer l’approche sécuritaire : dans la proposition actuelle, environ 75% du budget de l’UE consacré à la migration et à l’asile serait alloué aux retours, à la gestion des frontières et à l’externalisation des contrôles.».
Il est urgent que les pays africains soient réellement considérés comme des interlocuteurs à part entière dans la définition des enjeux des politiques migratoires afin que celles-ci ne se limitent pas à la fermeture des frontières intra-africaines et européennes qui ne sert ni leurs intérêts ni celles de leurs ressortissants.
La Cimade appelle l’UE et ses États membres à s’engager dans une réelle coopération basée sur des intérêts mutuels, prenant en compte le point de vue des pays dit de départ et de transit, et respectant les droits humains.
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Auteur: Pôle Europe et International
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