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Nord-Picardie

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TEMOIGNAGES SUR LES CONSEQUENCES DES DELAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES DE RENOUVELLEMENT DE TITRE DE SEJOUR

18 septembre 2023

7 personnes, ayant un dossier en cours à la Préfecture de Lille, ont accepté de témoigner de leur situation dans cette période d’attente.

Pour télécharger la lettre ouverte au Préfet du Nord signée par 41 organisation Lettre ouverte_Alerte sur les ruptures de droit

 

Témoignages recueillis début septembre 2023 par la Cimade Lille

« J’ai confiance dans la loi et j’ai un statut de réfugié. Mais la question, c’est quand vont-ils me répondre ? Je suis dans la merde dans 15 jours ».

 Monsieur, père de 2 enfants, a été reconnu réfugié il y a plus d’un an. Il a déposé dans la foulée sa demande de carte de résident mais n’a depuis que des attestations provisoires, quand celles-ci lui sont bien remises. Il attend actuellement le 3ème renouvellement de son attestation, alors que la règlementation prévoit qu’il aurait dû recevoir sa carte de 10 ans 3 mois après l’obtention de son statut de réfugié.

« Pour la troisième fois, j’ai demandé le renouvellement de mon attestation. J’ai fait ma demande de renouvellement 3 mois avant et pas 2, parce que ça avait été déjà galère la fois précédente. La Cimade avait dû envoyer un mail à la Préfecture et à mon employeur pour lui demander de me reprendre. Quelques jours après, la Préfecture renouvelait mon attestation. 

Ma dernière attestation s’est finie le 9 août. Pas de réponse à mes mails jusqu’au 21 août où la préfecture me répond que c’est pas la peine de les relancer, qu’ils vont me répondre dans 4 jours. Depuis, je n’ai toujours pas eu mon attestation. 

Je suis en CDI, ça va faire un mois que je ne travaille pas. L’employeur ne veut pas me reprendre tant qu’il n’a pas de documents. Je ne peux pas rester sans ressources, je dois payer une pension alimentaire pour mes deux enfants. Je ne pourrai pas être libre tant que je ne donnerai pas qqe chose pour mes enfants. Je suis foutu s’ils ne me répondent pas avant le 15 septembre. Je vais avoir des dettes, j’étais sans dettes avant, je payais mes charges. 

J’ai confiance dans la loi et j’ai un statut de réfugié. Mais la question, c’est quand vont-ils me répondre ? Je suis dans la merde dans 15 jours. »

 

« Dès que la période de renouvellement arrive, on est en stress total. On est 6-7 mois tranquille et ça recommence. »

Depuis l’obtention de son Master 2, Monsieur renouvelle sa carte de séjour « salarié » tous les ans , et ce depuis plusieurs années. Il témoigne du stress vécu à chaque fois.

« Dans les autres régions où je vivais avant, je prenais le rdv une semaine à l’avance et j’obtenais le récépissé sur place, le jour où j’étais reçu. Quand je me suis installé à Lille il y a 3 ans, on me dit qu’il faut envoyer le dossier salarié par la poste pour avoir un rdv. En conséquence, je suis resté deux mois sans titre de séjour. Heureusement que ma boîte était très compréhensive. L’année d’après, j’ai anticipé et envoyé mon dossier un mois et demi à l’avance et là on me dit que j’aurais dû le faire deux mois avant. Du coup, j’ai eu 15 jours de retard pour avoir le récépissé.

Cette année, je l’ai envoyé le 7 juin, soit deux mois et demi avant. Arrive la date d’expiration, le 23 août, pas de récépissé. J’ai envoyé des mails cet été à la Préfecture pendant mes vacances en Algérie, mais pas de réponse. Une fois rentré, je vais à la Préfecture mais l’agent de sécurité me dit d’envoyer un mail.

Je subis la pression de mon nouvel employeur qui m’écrit : « Je crains, sauf régularisation rapidement, que nous soyons contraints de mettre fin au contrat nous liant ». Sans titre, je n’aurais pas eu le chômage, et sans travail, j’aurais été démuni.

Il y a eu beaucoup de stress. J’ai une famille, je dois les nourrir. Dès que la période de renouvellement arrive, on est en stress total. On est 6-7 mois tranquille et ça recommence.

Quand j’ai reçu le courrier de la Préfecture, je n’y croyais pas. J’ai tâté l’enveloppe avant d’ouvrir et j’ai senti la photo. Je n’en revenais pas. J’ai appelé ma femme. Incroyable ! »

 

« Quand tu as ta carte, c’est tout droit et sinon c’est des zigzags. »

A la fin de son contrat d’apprentissage, ce jeune homme a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Il a signé un CDI en mai mais ne peut plus travailler depuis juillet, n’ayant pas eu de réponse de la Préfecture.

« Mon contrat d’apprentissage s’est terminé en juillet 2022 et ma carte de séjour aussi. J’ai déposé ma demande de renouvellement en avril 2022. Deux semaines après la fin de la carte, j’ai eu un récépissé de 6 mois. Pour le deuxième renouvellement, j’ai attendu 4 mois et j’ai eu un récépissé de 3 mois. Dès que j’ai reçu le deuxième en avril 2023, j’ai demandé le troisième et je n’ai rien reçu. Je ne sais pas pourquoi.

J’ai mon appart, des factures à payer. J’ai signé un CDI en mai et je ne peux plus travailler depuis juillet. C’est dans la restauration. Si tu restes un mois sans travailler, les factures arrivent quand-même. Je paie l’eau, l’électricité… et tout a augmenté.

Je n’ai rien de la CAF ou de Pôle emploi quand je ne travaille pas car ma carte de séjour porte la mention « travail temporaire ». Donc, je peux m’inscrire à Pôle Emploi mais je ne peux pas toucher d’allocations. La CAF me verse les arriérés (Allocation logement) quand j’ai mon récépissé. Heureusement mon bailleur me laisse tranquille et après je le rembourse. Je n’ai pas envie de perdre mon appart.

Quand tu as ta carte, c’est tout droit et sinon c’est des zigzags. Si tu n’as pas ta carte de séjour, tu es mort. Là, je ne sors pas, je reste chez moi. Il faut que je sorte, que je travaille. Vivre.

Monsieur a entretemps reçu un mail de la préfecture lui annonçant qu’un récépissé de 2 mois allait lui être remis, permettant à son employeur de déposer une demande d’autorisation de travail.

 

« Je suis passé à la Préfecture mais on ne peut pas rentrer. Les gardiens ne savent pas. Si je pouvais rentrer, avoir une explication… »

Marié depuis 2015 à une ressortissante française, Monsieur s’est vu déjà vu délivrer une carte de séjour d’un an puis deux cartes de séjour pluriannuelles de 2 ans. Dans l’attente de la remise de sa prochaine carte (qui devrait être une carte de résident), il se retrouve sans récépissé, donc « sans-papiers », sans droit au travail, etc..

J’ai envoyé ma demande de titre de séjour « vie privée et familiale » (qui expirait mi-août) en recommandé, la Préfecture l’a réceptionnée le 15 juin. On a envoyé 2 mails avec la Cimade, mais pas de réponse. Je travaille en intérim depuis 3 ans dans une boîte qui m’a proposé un CDI. Mais comme je n’ai pas eu de récépissé, j’ai dû arrêter de travailler le 18 août.

J’avais fait un crédit pour la voiture et le loyer, c’est moi qui le paie parce que ma femme ne gagne pas beaucoup. Ça va être catastrophique le mois prochain.

Ma femme est française. J’ai demandé un titre de 10 ans. Ils m’ont redonné 2 ans la fois dernière en me disant qu’il faut réclamer.

Je me retrouve sans papiers. Il y a un risque quand la police me contrôle, on ne sait pas ce qui va arriver. Ca me travaille, ça m’empêche de dormir. Si je n’ai pas le récépissé, ce sera très difficile. Je ne peux rien faire. C’est dur, très dur.

Je patiente, mes collègues m’appellent souvent pour savoir s’il y a une réponse. Je fais les choses comme il faut, je travaille, je suis en règle. Je suis passé à la Préfecture mais on ne peut pas rentrer. Les gardiens ne savent pas. Si je pouvais rentrer, avoir une explication… »

Aux termes d’un arrêté publié la 4 avril 2023, la dématérialisation totale des demandes de titres de séjour s’est étendue à partir du 5 avril aux membres de famille de personnes françaises, qui doivent déposer leurs demandes de titres de séjour (cartes de séjour temporaires, pluriannuelles et cartes de résident) via le téléservice ANEF. Sauf que le site de la Préfecture ne fait mention de ces nouvelles modalités de dépôt que depuis le 7 juillet 2023…

Monsieur nous a informé le 12 septembre qu’il venait de recevoir un récépissé.

 

Entretemps [entre deux récépissés], la CAF m’a tout coupé, la banque a clôturé mon compte ouvert depuis 2014, l’APL a été coupée 3 mois, les prestations des enfants aussi.

Après trois cartes de séjour valable un an, cette mère de 3 enfants a obtenu une carte pluriannuelle de deux ans. Elle a demandé en 2019 une carte de résident et est maintenue depuis dans une situation administrative précaire. Depuis décembre 2021, elle n’a que des récépissés, non renouvelés à temps, ce qui occasionne des ruptures de droit et lui a fait perdre des contrats de travail.

« En 2019, j’ai fait la demande de carte de résident. A ma grande surprise, la Préfecture m’a donné une carte valable 2 ans, car la mairie n’a pas répondu au courrier qu’il avait envoyé pour avoir des informations sur mon intégration. J’ai payé 269€ pour la carte de deux ans que j’ai reçue en 2020 [au lieu de fin 2019]. En 2021, j’ai donc dû à nouveau faire une demande de renouvellement. J’ai demandé à la personne qui m’a reçue en préfecture si elle allait envoyer à nouveau un courrier à la mairie. Elle m’a dit que maintenant il fallait avoir le niveau A2 en français. J’ai passé l’examen et je l’ai eu. J’ai envoyé le justificatif à la préfecture qui m’a donné un récépissé de 6 mois en décembre 2021. J’ai travaillé en CDD puis j’étais prise pour travailler à la CARSAT mais à cause de l’expiration du récépissé, j’ai raté un CDD de 6 mois.

En juillet 2022, 2 jours avant l’expiration du récépissé, je suis allée à la préfecture et on me dit de prendre rdv sur internet pour renouveler mon récépissé. Ça a pris deux semaines et j’ai eu un récépissé de 3 mois, puis encore un récépissé de 3 mois. Je devais commencer une formation en décembre 2022 jusqu’au 15 mars 2023, avec un récépissé qui expirait au 24 février 2023. J’ai fait la formation de téléconseillère et heureusement, ils m’ont laissée passer l’examen, même sans récépissé valable.

J’ai enfin eu un nouveau récépissé de 3 mois le 18 avril 2023. Entretemps, la CAF m’a tout coupé, la banque a clôturé mon compte ouvert depuis 2014, l’APL a été coupée 3 mois, les prestations des enfants aussi. Le RSA a été versé à moitié pour avril. J’ai eu le nouveau récépissé de 3 mois le 8 août, 3 semaines après l’expiration du précédent.

La Cimade m’a conseillé de prendre un avocat. Je suis allée au tribunal le 5 mai et le juge a ordonné à la préfecture de réexaminer ma demande de carte de résident sous 15 jours. Je ne l’ai toujours pas eu à ce jour, l’avocat ne sait plus quoi faire.

Ce qui m’embête, c’est que je ne peux pas exercer mon métier qui fonctionne par CDD de 6 mois. Je suis obligée de faire des préparations de commandes. C’est des contrats à la semaine.  Moi je veux travailler, gagner mon propre argent Quand j’ai des promesses d’embauche, je les envoie à la préfecture, mais pas de réponse. J’ai tellement de factures à la maison que je ne peux pas payer. Les cantines de mes enfants… Je les prive de tout, on a à peine de quoi manger. C’est invivable.

Heureusement que j’ai une assistante sociale qui m’écoute. Elle m’a aidé avec des chèques alimentaires mais elle ne peut pas aller au-delà de ses moyens.

Est-ce que j’ai encore des larmes dans mon corps ? Je suis dans la norme, je fais ce qu’il faut. Ce n’est pas ma faute. »

 

Je ne dors pas. Je me prépare au pire. J’ai connu des voisines dans cette situation et tout s’arrête : la sécu, la CAF, le bailleur…

Cette maman vit en France depuis 11 ans. Comme sa demande de naturalisation vient d’être rejetée, elle a demandé le renouvellement de sa carte de résident qui expire dans moins d’un mois. Le stress s’installe, elle se prépare au pire, plusieurs voisines ayant connu des ruptures de droits.

« J’ai demandé la naturalisation, il n’y a pas de contact avec la Préfecture. C’est du virtuel. J’avais un délai de deux mois pour le recours et ma demande a été classée sans suite. Si j’avais été reçue en face-à-face à la préfecture, j’aurais eu la bonne réponse et je n’aurais pas perdu tout ce temps. Avant c’était eux qui nous guidaient à la Préfecture. Maintenant, on ne peut plus y aller. Envoyer un mail, c’est pire.

Du coup j’ai fait ma demande de renouvellement de titre de séjour en juillet. Mon titre actuel expire tout début octobre. Aucune réponse pour le moment, ça fait deux mois. Maintenant, je joue avec le temps. Pourquoi tout ce retard ? C’est voulu ?

Je ne dors pas. Je me prépare au pire. J’ai connu des voisines dans cette situation et tout s’arrête : La sécu, la CAF, le bailleur… Ça devient machinal, l’un derrière l’autre. Je me prépare à ça.

On a pris les valeurs, l’éducation française. Il faut se mettre à la place des autres. Nous aussi, on est des êtres humains. On n’est pas traité comme les autres, parce qu’on est des étrangers.

Psychiquement, on est blessé. Des fois, j’ai envie de pleurer, pour moi, c’est de l’arnaque, ils ne veulent pas me le donner. Il n’y a pas de bonne raison. Pourquoi on ne me respecte pas ? Je respecte la loi, mon voisinage, tout. Pourquoi cet acharnement ? »

 

Témoignage recueilli mi-septembre par le Collectif Galois, Collectif des étudiant.e.s en exil et leurs ami.e.s

Cette situation est insupportable, trop stressante et démotivante. Psychologiquement on ne pense qu’à ça toute la journée : Comment va-t-on faire ? Où aller demander de l’aide ?

Cette jeune femme est une étudiante étrangère à l’université de Lille. Arrivée en France via campus France, elle n’est pas parvenue à obtenir le renouvellement de son titre de séjour, malgré tous ses efforts. La perte de ses papiers a causé son redoublement -faute d’un titre de séjour pour accéder à un stage – et est source de multiples problèmes qui la plongent dans un profond désarroi. Les services d’appui de l’Université de Lille indiquent avoir recensé plus d’une centaine de dossiers équivalents. Ceci, sans compter les étudiant.e.s dans la même situation qui n’ont pas eu recours à leurs services.

Je suis étudiante à l’université de Lille. Je suis inscrite en 2e année de DEUST santé et environnement. Dans mon pays j’étais titulaire d’une licence de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre). Je suis rentrée en France par Campus France en octobre 2021. J’ai   fait un dépôt de renouvellement de carte étudiant le 14 septembre 2022. On m’a envoyé une attestation de prolongation le 07 novembre 2022, valable seulement jusqu’au 06 février 2023. J’ai dû faire une autre demande et on m’a donné un autre récépissé de trois mois débutant le 09 mai 2023 et expirant le 8 août 2023. Au mois d’août, j’ai envoyé un mail à la préfecture pour demander des renseignements comme quoi mon récépissé allait expirer bientôt et quand allais-je avoir mon renouvellement ? J’ai reçu un message automatique par mail m’indiquant que mon titre de séjour n’était pas encore fabriqué ! Depuis aucune nouvelle ! Les conséquences pour moi sont énormes ! Je n’ai pas pu obtenir de stage, l’an dernier, les employeurs ne voulant pas s’engager sur des récépissés de 3 mois. Du coup, j’ai raté mon année et je dois redoubler. J’ai également perdu mon travail dans la restauration. Et il m’est impossible de trouver un logement. Cette situation est insupportable, trop stressante et démotivante. Psychologiquement on ne pense qu’à ça toute la journée : Comment va-t-on faire ? Où aller demander de l’aide ? C’est vraiment une prise de tête de tous les instants. Comment mener des études sereinement dans cette situation ? Comment se concentrer ? Comment travailler ?

Auteur: Région Nord-Picardie

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