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Trois lundis par mois, une équipe composée de bénévoles et d’étudiant.e.s se rendent avec le bus de l’accès aux droits de l’Université Catholique de Lille à Calais pour informer de leurs droits les personnes exilées. Récit d’une de ces journées.
Du café, du thé et des stylos parsèment la table autour de laquelle se réunit une demi-douzaine de bénévoles de La Cimade venu.e.s pour la journée. Chaque lundi du bus de l’accès aux droits commence par ce temps collectif, devenu une sorte de rituel. Ils et elles viennent non seulement de la métropole lilloise mais aussi des autres groupes de toute la région, car il s’agit d’un projet régional qui n’est pas porté par un seul groupe local.
Né en 2022 grâce à un partenariat avec l’Université Catholique de Lille, cette « permanence mobile » s’inscrit dans la lignée d’une initiative de La Cimade en 2018 et 2019 lorsqu’un camping-car se rendait régulièrement sur les campements de Grande Synthe pour assurer un accompagnement juridique des personnes exilées qui le souhaitaient. Le projet, alors porté par un poste salarié, avait dû être abandonné faute de financements.
A 12h15, il est temps de se rendre au point de rendez-vous où vient les chercher un bus aménagé spécialement pour des permanences d’accès aux droits, avec des petits carrés pouvant accueillir jusqu’à 4 personnes et des rideaux préservant la confidentialité des échanges. A bord de ce bus de l’accès aux droits, le groupe de La Cimade retrouve celui de l’Université catholique de Lille composé ce jour-là de deux étudiantes ainsi que de l’une des coordinatrices du projet.
Une dizaine d’étudiants en Master de droit participent chaque année à ce projet au Bus de l’accès aux droits dans le cadre d’un module qui promeut le « service learning » : l’apprentissage du droit se fait sur le terrain, en action. Cette forme de pédagogie a plusieurs objectifs comme l’explique Augustine, la coordinatrice : « Cela les force à mener un entretien avec une personne, à acquérir des connaissances et compétences… C’est une première expérience qui leur sera bénéfique pour leur carrière professionnelle. »
A noter que depuis 2019, le Bus de l’accès aux droits fait le reste de la semaine des permanences « de droit commun » sur la métropole lilloise, en partenariat avec les avocats du Barreau de Lille. Un vendredi sur deux, il se rend de nouveau à Calais, mais cette fois-ci en compagnie d’avocats du Barreau de Boulogne-sur-Mer.
Le trajet durant en moyenne 1h30, en fonction de la circulation, le déjeuner a lieu à bord, dans une ambiance conviviale. C’est l’occasion de faire connaissance au sein d’un groupe qui se compose et se recompose chaque semaine, au gré des disponibilités. Pour Léana qui travaille à La Cimade Nord-Picardie et qui participe régulièrement au bus de l’accès aux droits : « C’est une permanence vraiment particulière car on n’est pas dans nos locaux habituels, dans notre « confort », donc je pense que ça crée des liens supplémentaires. »
Arrivé à Calais, le bus se gare devant l’accueil de jour du Secours Catholique. Ce lieu offre un endroit aux personnes exilées pour laver leurs affaires, charger leur téléphone ou simplement souffler. A l’origine, c’est le Secours Catholique qui a identifié un besoin d’accompagnement juridique d’une partie des personnes reçues et qui a alors sollicité La Cimade.
Les bénévoles et les étudiantes se répartissent alors en plusieurs groupes à l’intérieur du bus et à l’intérieur de l’accueil de jour. Les personnes rencontrées étant souvent allophones, c’est-à-dire qu’elles ne parlent pas la langue du pays dans lequel elles se trouvent (ici la France et donc le français), le rôle des interprètes est fondamental. Sans eux, ces permanences juridiques ne pourraient pas avoir lieu.
Ce jour-là, il s’agit de Wassim et Imane. Tous deux ont connu La Cimade alors qu’ils étaient à la recherche de renseignements concernant leur propre situation et ont ensuite décidé de s’engager à ses côtés. Bénévoles chacun dans plusieurs associations, participer au Bus de l’accès aux droits leur permet de mettre à profit leur maîtrise de l’arabe, mais aussi leurs qualités d’écoute et d’empathie.
Si le nombre de personnes rencontrées est très aléatoire d’une semaine à l’autre, plusieurs types de situation reviennent régulièrement comme des demandes d’asile ou de regroupement ou réunification familiale. Beaucoup de personnes sont en procédure Dublin.
Ici, on touche du doigt les limites de l’accompagnement individuel alors que les lois française et européenne sont de plus en plus restrictives, comme l’attestent, seulement pour l’année 2024, l’adoption de la loi asile immigration et celle du pacte européen sur les migrations. Un sentiment d’impuissance sera plusieurs fois rapporté par les bénévoles, notamment devant la dureté des récits qui leur sont partagés.
Finalement, bénévoles comme étudiantes s’accordent à dire que bien souvent, au-delà de l’aide juridique, c’est l’écoute et l’empathie qui priment. Même dans les cas où aucune solution concrète ne peut leur être apportée, certaines personnes accompagnées ont besoin d’être écoutée et de décharger tout ce qu’elles ont vécu.
Selon Elsa, étudiante présente ce jour-là pour la sixième ou la septième fois, cette expérience lui a apporté beaucoup de compréhension des personnes et lui a permis de développer ses compétences d’écoute, avant même les aspects juridiques.
Cette permanence hors les murs, à la rencontre de personnes dans des situations de vulnérabilité extrême peut être assez éprouvante, y compris pour les personnes écoutantes. Le trajet de retour est l’occasion de débriefer et de mettre des mots sur les situations rencontrées. Pour Guy, président de La Cimade Nord-Picardie : « L’importance du retour est essentielle. Il y a une solidarité quels que soient les gens présents dans le bus, il y a une solidarité entre nous qui est essentielle ».
En deux ans, les bénévoles de La Cimade et les étudiant.e.s de l’Université Catholique de Lille ont rencontré ensemble plus de 400 personnes. Le Bus de l’accès aux droits repartira fin août sur la route de Calais pour continuer à accompagner les personnes exilées et prêter une oreille attentive à leur histoire.
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Auteur: Service communication
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Tribune dont La Cimade est signataire, publiée le 16 septembre 2024 dans Le Monde
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