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La préfecture de Guyane tentait le 27 puis le 30 janvier dernier d’expulser en toute discrétion seize kurdes irakiens, appartenant à la communauté Yézidis persécutée par Daesh.
En visite au Kurdistan irakien en septembre 2014 suite aux violentes attaques du groupe terroriste Daesh sur ce territoire, François Hollande déclarait «Nous allons poursuivre avec l’Europe notre aide aux réfugiés. Nous allons établir un véritable pont humanitaire […] »[1].
Très loin de ces déclarations de solidarité, la préfecture de Guyane tentait le 27 puis le 30 janvier dernier d’expulser en toute discrétion seize kurdes irakiens, appartenant à la communauté Yézidis persécutée par Daesh.
Si ces personnes ont aujourd’hui été reconnues réfugiées, notamment grâce à une forte mobilisation du groupe La Cimade en Guyane, les épreuves qu’elles ont surmontées en Guyane pour demander la protection de l’État français illustrent des dysfonctionnements majeurs auxquels sont confrontés les migrants, en France en général, en Guyane en particulier.
Les embûches de ce groupe commencent le 24 janvier 2015, quand à l’issue d’un long périple depuis l’Irak, ces personnes atterrissent à Cayenne, en transit pour atteindre Paris puis Berlin. Si une partie du groupe est interpellée à son arrivée à Orly avec de faux passeports, l’autre partie, qui prend le vol suivant, est arrêtée le 25 janvier par la police aux frontières de Guyane au moment d’embarquer.
Le groupe placé en zone d’attente à Orly est rapidement libéré et admis sur le territoire afin de solliciter l’asile depuis Paris. Les personnes de l’autre groupe arrêté en Guyane suivront un chemin bien différent.
Alors qu’elles déclarent unanimement aux forces de l’ordre avoir fui leur pays et utilisé des faux passeports comme moyen d’échapper à une mort certaine en Irak, elles sont uniquement appréhendées comme des délinquants contre qui une enquête judiciaire est ouverte, puis comme des clandestins à expulser du département au plus vite. Il ne semble pas que les autorités aient informé ces personnes de leurs droits, et en particulier de leur droit de solliciter l’asile en France.
Placé en garde à vue puis assigné à résidence dans un hôtel en ville, ce groupe essuiera deux tentatives d’expulsion vers le Brésil, menées dans la plus grande opacité et sans permettre à ces personnes de rencontrer ni un avocat, ni La Cimade, qui en avait pourtant fait la demande.
La première tentative s’effectue dans la hâte dans la nuit du 27 janvier 2015. Leur départ en bus aux environs de 20h30 vers la frontière brésilienne et leur renvoi par pirogue ne pourra aboutir, les autorités brésiliennes refusant d’accueillir sur son territoire ces personnes.
Après des journées de tractation avec les autorités brésiliennes, leur expulsion sera programmée par l’autorité préfectorale, par voie aérienne dans la soirée du 30 janvier 2015.
Ce n’est qu’à l’issue d’interventions institutionnelles menées avec insistance au niveau national, que La Cimade a finalement été autorisée à s’entretenir avec ce groupe juste avant l’exécution de leur expulsion. Aucun interprète n’était présent et c’est grâce à l’engagement d’un interprète bénévole que La Cimade a pu expliquer à ces personnes les droits dont elles disposaient.
La Cimade ayant pu constater et relayer auprès des autorités locales leur souhait de demander asile, les personnes ont alors été soustraites à la procédure d’expulsion sur le point de s’abattre sur eux. Leurs déboires ne se sont pas arrêtés là, car une fois la procédure d’asile enclenchée, ces personnes ont été ensuite confrontées aux profondes carences du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile en outre-mer.
La Guyane, comme les autres départements d’outre-mer, ne compte aucun centre d’accueil ni hébergement dédié aux demandeurs d’asile, en dehors d’un accueil d’urgence de 80 places, très insuffisant au regard du nombre de demandeurs d’asile sur ce territoire (1.100 nouvelles demandes en 2014 selon l’OFPRA). Si ces 80 demandeurs hébergés bénéficient de l’accompagnement socio-juridique de la Croix-Rouge missionnée à cette fin, l’accompagnement de la grande majorité des demandeurs d’asile repose sur des forces associatives, majoritairement bénévoles.
Aussi, si un hébergement a exceptionnellement été fourni par l’administration pendant le temps de la procédure, ces seize personnes ont échappé à la rue les premières nuits grâce à la générosité d’un particulier ainsi qu’au soutien matériel et logistique du groupe Cimade de Guyane.
Quant à la procédure d’asile elle-même, menée dans des délais accélérés grâce à la réactivité de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l’accompagnement juridique depuis le retrait des dossiers d’asile jusqu’à la rédaction des récits, n’a pu être mené à bien que par l’action bénévole du groupe Cimade, relayé ensuite par la Croix-Rouge dans l’organisation de la logistique et de l’accompagnement social.
L’histoire se finit bien : ce mercredi 25 février, ces seize personnes aujourd’hui reconnues réfugiées, se sont envolées vers Paris pour rejoindre une partie de leurs proches.
Le groupe de La Cimade Guyane paiera sa mobilisation pour la liberté de ces personnes, par une griffe haineuse sur le mur de son local « La Guyanne [sic] n’est pas une poubelle. Pas de Kurdes, pas d’Irakiens ». Loin d’entamer sa détermination, c’est avec encore plus de force et de convictions que le groupe de Guyane poursuit son action pour la solidarité.
Épilogue
Le 18 février, un nouveau groupe de trois irakiens est interpellé à par la police aux frontières de Guyane, puis enfermé en zone d’attente. Informée cette fois de leur situation par la PAF, La Cimade est intervenue pour relayer leur souhait de demander asile et solliciter leur libération. Leur demande est en train d’être étudiée par l’OFPRA.
Auteur: Service communication
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