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Eurostat a publié des données relatives aux demandes d’asile en France et en Europe pour les neuf premiers mois de l’année 2018.
Selon Eurostat, (données) au cours des neuf premiers mois de 2018, la France a enregistré un peu plus de 85 000 demandes d’asile dont plus de 62 000 premières demandes adultes, 16 000 mineurs et 6 800 réexamens soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Cela fait de la France le deuxième pays d’accueil des demandes d’asile en Europe derrière l’Allemagne et devant l’Italie.
Mais il y a un biais statistique : les chiffres publiés sur Eurostat sont fondés sur les données de l’OFPRA qui ne comptabilisent les personnes Dublinées que lorsqu’elles accèdent à plus ou moins brève échéance à la procédure d’asile en France (on les appelle alors des demandes « requalifiées») alors que les autres États-membres le font dès leur arrivée.
L’OFII publie depuis le mois de juin 2018 des données sur le nombre de premières demandes d’asile adultes enregistrées dans les GUDA. Pour les neuf premiers mois de 2018, leur nombre est de 72 300. Si on reprend cette donnée, la France dépasse légèrement l’Allemagne et devient le premier pays européen (représentant un quart des demandes déposées en Europe), ce qui n’était pas arrivé depuis 2012. C’est moins l’augmentation de la demande en France que l’effondrement dans les pays voisins (Allemagne, Italie) qui explique ce phénomène.
Le premier pays de provenance en France est de loin l’Afghanistan avec 8 030 demandes dont l’essentiel sont des premières demandes adultes dont une bonne part de demandes ‘requalifiées ». Il est suivi par l’Albanie avec plus de 6 000 demandes, de la Géorgie (près de 4 500 demandes) qui sont deux pays inscrits sur la liste des pays considérés comme sûrs et qui font l’objet d’un examen en procédure accélérée (en théorie en quinze jours à l’OFPRA, en cinq semaines à la CNDA). Viennent ensuite la Guinée et la Côte d’Ivoire (4 200 et 3775 demandes). Des nationalités comme la Syrie ou Haïti, qui faisaient partie depuis deux ou trois ans, du « top 5 » sont en très nette baisse (environ 2 000 demandes) pour des raisons très différentes : la première parce que les demandes enregistrées sont essentiellement le fait de personnes réfugiées réinstallées (90 % du total) dont le nombre a certes fortement augmenté en 2018 (près de 3000 en septembre) mais qui ne compense pas la baisse des demandes spontanées ou de relocalisés. Pour Haïti, malgré une situation sécuritaire qui s’aggrave, la demande d’asile principalement déposée en Guyane se tarit du fait des contrôles renforcés aux frontières de ce département et les mesures mises en place (rabotage de l’allocation pour demandeur d’asile, procédure plus rapide avec une antenne de l’OFPRA)
La part la plus mystérieuse des statistiques de demandes d’asile concerne les personnes Dublinées. A défaut de publier les données disponibles, le ministère de l’intérieur lance des d’affirmations devant les parlementaires. Ainsi devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur a affirmé qu’un tiers des demandes d’asile déposées en France sont le fait de personnes déboutées dans un autre pays européen.
Cela n’est pas exact. On sait par les rapports parlementaires sur la loi de finances que 22 508 personnes ont été enregistrées comme « Dublinées » pour les sept premiers mois de 2018 soit environ 3 200 par mois.
Le ministre de l’intérieur fait référence à une autre statistique : celle des rapprochements positifs dans EURODAC qui signale le dépôt d’une demande d’asile dans un pays (sans qu’elle ait été examinée au fond puisqu’un État-membre peut enclencher une procédure Dublin). Cette statistique ne correspond pas au nombre de personnes Dublinées car une même personne peut avoir plusieurs rapprochements de ce type dans un ou plusieurs pays et qu’une partie des procédures Dublin se font sans cette preuve (exemple visa délivré par un autre État-membre).
Toujours, selon les rapports parlementaires, 16 969 accords ont été obtenus des États-membres et 1 967 transferts effectués soit 12 % des accords.
Selon les données d’Eurostat, l’OFPRA a pris 27 535 décisions au troisième trimestre dont 20 570 pour des adultes. Parmi ces dernières, 2 625 personnes adultes ont été reconnues réfugiées, 2 015 ont eu une protection subsidiaire et 15 930 ont été rejetées, soit un taux d’accord de 22.5% en régression par rapport au trimestre précédent.
On remarque une baisse du taux d’accord pour des nationalités emblématiques comme l’Afghanistan (57% d’accords dont 92% de PS). Le Soudan est la première nationalité de reconnaissance du statut devant la Chine (Tibet) et la Syrie (dont 90% sont de réinstallées)
Pour les neuf premiers mois de 2018, le nombre de décisions s’élève à près de 85 500 dont 64 335 décisions adultes. Le taux d’accord adulte est de 23% contre 26% en 2017.
L’Afghanistan est le pays avec le plus grand nombre de décisions (69.7% d’accord) suivi de l’Albanie (10%), de la Guinée (12.8%), de la Côte d’Ivoire (9%) et du Soudan (64%). 44% des décisions sont des protections subsidiaires notamment pour la Syrie (775 contre 430 statuts de réfugiés)
Environ 37% des demandes ont été examinées selon une procédure accélérée (premières demandes et réexamens). Au premier semestre 2018, le délai moyen d’instruction à l’OFPRA a été de 140 jours (171 pour une procédure normale, 106 pour une procédure accélérée).
En ce qui concerne les dossiers en instance, il y a une alerte puisque leur nombre a fortement augmenté cette année : 48 000 demandes contre 38 000 l’an dernier. L’Afghanistan en comptabilise plus de 6 000 à lui seul.
Selon les rapports parlementaires du Sénat, la Cour nationale du droit d’asile a connu une très forte augmentation du nombre de recours en instance qui pourrait s’élever à 40 000 dossiers à la fin de l’année. Si on y ajoute les personnes qui viennent d’être enregistrées (environ 10 000 en moyenne), celles qui sont entre l’OFPRA et la CNDA (5 000) et les personnes Dublinées (environ 45 000), le nombre de personnes en instance s’approche de 150 000.
Ces chiffres pourraient être alarmants si on ne les comparait pas avec les données des autres États-membres.
Au niveau européen, la principale demande reste la Syrie avec 71 000 demandes suivies de très loin par l’Irak et l’Afghanistan (35 00). A noter la montée en flèche du Venezuela qui sollicite l’asile massivement en Espagne.
445 000 décisions ont été prises en Europe dont 310 000 décisions pour des adultes. L’Allemagne « produit » le plus grand nombre de décisions (137 000 dont 81 000 adultes), suivie de la France et de l’Italie (70 000).
Le taux d’accord est en baisse avec 31% (décisions adultes) .C’est la chute du taux en Allemagne (30.9% ) et en Italie (29.8% dont 19% de statuts humanitaires que le décret-loi Salvini supprime) qui explique ce phénomène car d’autres pays connaissent des envolées (notamment les Pays Bas).
Le nombre de dossiers en attente d’une décision de première instance est de près de 900 000 dont près de 400 000 en Allemagne, 100 000 en Italie, 67 000 en Grèce et en Espagne (dont près de la moitié sont des Vénézuéliens). Le délai moyen prévisible (=dossiers en instance/ décisions prises par mois) est de plus de deux ans pour l’Allemagne, 13 mois pour l’Italie, 40 mois pour la Grèce et plus de 5 ans et demi pour l’Espagne! A l’inverse, la Hongrie prend un mois pour rejeter les demandes, le Portugal 2 mois et la France 5 mois.
S’il faut reconnaître que la France connaît un nombre inédit de demandes d’asile, la situation n’est pas aussi dégradée que veut le laisser entendre le ministère de l’intérieur par rapport à nos plus proches voisins (notamment méditerranéens).
Auteur: Responsable national Asile
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