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Le Défenseur des droits a publié mercredi 16 mars 2022 un rapport de suivi de ses recommandations, datées de 2019, visant à réduire les inégalités d’accès aux droits générées par la dématérialisation du service public. Trois ans plus tard, les politiques mises en œuvre n’ont pas permis de réduire la fracture numérique.
Près de 80% des réclamations adressées chaque année aux services du Défenseur des droits concernent des difficultés d’accès aux services publics : ce premier chiffre avancé dès l’édito du nouveau rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » en dit long sur les obstacles rencontrés par les usagers et usagères pour leur accès aux droits, obstacles désormais largement corrélés à la dématérialisation « à marche forcée » des démarches administratives, qu’il s’agisse de demander un permis de conduire, d’accéder à des droits sociaux ou encore à un titre de séjour.
Au cours des dernières années, le gouvernement a déployé des efforts « sans précédent » en matière d’inclusion numérique. Pourtant, pointe la Défenseure des droits, le nombre de personnes en situation d’exclusion numérique est inchangé depuis 2019. Notamment en cause, la multiplication de dispositifs divers, mal articulés, peu connus et donc peu utilisés, qui de surcroît ne prennent souvent pas en compte toutes les situations d’accès aux droits prévues par la loi et ne répondent pas aux besoins des usagers et usagères.
Aux côtés d’exemples tirés des simulateurs en ligne de retraite ou des disparition de guichets physiques d’achat de billets en gares ferroviaires, le rapport s’attarde sur les « Points d’accueil numériques » (PAN), dispositifs spécifiquement dédiés à l’accompagnement des personnes étrangères devant accomplir en ligne des demandes relatives à leur titre de séjour. Ne constituant « pas à proprement parler une alternative à la saisine numérique », mais un simple « service d’accompagnement à l’accomplissement des démarches en ligne », les PAN, difficilement accessibles et qui nécessitent l’obtention préalable d’un rendez-vous (souvent via internet…), sont de plus tenus par des « médiateurs [qui] ne sont pas compétents sur le fond des dossiers » et dont le « soutien s’arrête à un appui à l’utilisation des outils informatiques ». De fait, La Cimade constate bien souvent que lesdits médiateurs ne sont pas des agent·e·s du service public, mais des volontaires en service civique.
Mais la formation des usagers et usagères au numérique ne saurait être la seule politique d’accès aux droits et au numérique, souligne le rapport de la Défenseure, alors que le maintien d’alternatives au tout dématérialisation reste largement impensé par le gouvernement. En effet, le rapport souligne le « renversement historique » du principe d’adaptabilité, « qui devient une qualité attendue de l’usager, plutôt qu’une exigence qui incombe au service ». La dématérialisation des services publics telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre permet un « transfert de charge » depuis les services publics vers les usager·es et leurs aidant·es : information et orientation dans les démarches, saisie des dossiers et suivi des demandes, mais aussi coût de l’équipement, de l’abonnement à internet, etc. C’est ainsi que des personnes en situation de précarité se retrouvent à devoir choisir entre nourrir leur famille et payer pour accéder au numérique pour leurs démarches d’accès aux droits.
Or, souligne la Défenseuse, « les usagers n’ont pas la liberté de recourir au service public, ils y sont contraints, soit par des textes, soit parce que leurs ressources et leur équilibre de vie dépendent des prestations du service public. Ils n’ont pas d’alternative, sauf le renoncement et le non recours. C’est ce qui fonde (…) les grands principes du service public – égalité, continuité et adaptabilité – qui s’imposent comme autant d’impératifs incombant aux administrations ».
Certaines populations sont « structurellement pénalisées » par la dématérialisation imposée : parmi ces publics vulnérables, les personnes en situation de handicap, alors qu’à peine 40% des sites internet publics sont conformes aux lois relative à l’accessibilité ; les personnes détenues, tout bonnement privées d’accès à internet et dépendant dès lors des moyens humains de leurs établissement pour leur accès aux droits ; les personnes âgées, dont la dépendance vis-à-vis de leur entourage et la dépossession de leurs démarches est renforcée ; mais aussi les jeunes, « parents pauvres des stratégie d’inclusion numérique » mais bien plus en difficulté que la moyenne pour accomplir leurs démarches en ligne ; ou encore, les personnes étrangères, dont La Cimade et ses partenaires documentent et combattent les ruptures de droits provoquées par la fermeture des guichets en conséquence de la dématérialisation. Le Défenseur des droits avait d’ailleurs consacré en juillet 2020 une décision spécifique à l’impact de la dématérialisation sur l’accès au droit au séjour des personnes étrangères.
Rappelant la saturation des planning de rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour, le nouveau rapport souligne les obstacles nés avec les téléservices de dépôt dématérialisés de demandes, tel « démarches simplifiées », utilisé sans cadre légal et de manière hétérogène par les diverses préfectures, et l’ANEF (Administration numérique des étrangers en France), téléservice en voie de développement « à marche forcée » sous l’égide du ministère de l’intérieur. En l’absence de toute alternative à la plateforme numérisée, mais en présence de fréquents problèmes techniques lors du dépôt des demandes, les usagers et usagères ne peuvent contacter que le « centre de contact citoyen » de l’Agence nationale des titres sécurisés, « qui n’est pas outillé pour résoudre un problème informatique individuel ou pour renseigner les usagers sur le fond de leur demande ». Nouvel exemple de l’inadéquation entre les services publics numérisés et les besoins du public.
Autre illustration de cette « marche forcée », les demandes de titre de séjour déposées via l’ANEF donnent en principe droit à une attestation valant séjour régulier, remplaçant les traditionnels récépissés de demande de titre de séjour. Mais cette attestation n’a pas été inscrite au rang des documents permettant de bénéficier de droits sociaux dans les codes de la sécurité sociale et de l’action sociale et des famille. C’est ainsi que malgré des instructions censées palier à cet oubli, La Cimade est saisie, par exemple, par des étudiant·es privées de sécurité sociale ou de logement étudiant.
Le Défenseur des droits formule ou réitère un ensemble de recommandations, qui vont dans le même sens que les préconisations formulées par La Cimade, et notamment :
Pour aller plus loin : Dématérialisation des demandes de titre de séjour : de quoi parle-t-on ?
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