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Droit au travail des demandeurs d’asile : un pas en avant, deux pas en arrière. 

10 janvier 2023

L’avant projet de loi  prévoit d’ autoriser certains demandeurs d’asile à travailler. Il s’agirait des demandeurs de certaines nationalités ayant un fort taux de reconnaissance, dès le début de la procédure et ceux qui sont toujours à l’OFPRA au bout de six mois mais pas ceux qui font l’objet d’une […]

L’avant projet de loi  prévoit d’ autoriser certains demandeurs d’asile à travailler. Il s’agirait des demandeurs de certaines nationalités ayant un fort taux de reconnaissance, dès le début de la procédure et ceux qui sont toujours à l’OFPRA au bout de six mois mais pas ceux qui font l’objet d’une procédure accélérée.

Historique

Entre 1975 et 1991, les demandeurs d’asile avaient dès l’introduction de leur demande à l’OFPRA, le droit de travailler pendant l’examen de leur demande en se fondant sur les stipulations de la convention de Genève.

Depuis la circulaire NOR : PRMC9100057C de la Première ministre du 26 septembre 1991, les titres provisoires de séjour des demandeurs d’asile dont la demande est en cours d’examen devant l’OFPRA ou de la CNDA, ne mentionnent plus la possibilité d’exercer un emploi. Cette mesure a été décidée car le Gouvernement estimait que « les demandes d’asile [étant] examinées dans des délais très courts, il est apparu désormais possible de revoir les conditions d’accès au marché du travail des demandeurs dasile ».

En conséquence, le dispositif d’hébergement spécifique des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, alors de 2 000 places, a été mis en place. Dans ces lieux, les personnes n’étaient pas accompagnées pour l’insertion économique et sociale tant que les organes de détermination n’ont pas donné une réponse favorable à leur demande (cours de français, formation professionnelle, recherche d’emploi).

Cependant, ce régime prévoyait la possibilité de rechercher un emploi et demander à tout moment de la procédure une autorisation provisoire de travail. Le préfet pouvait en refuser la délivrance en raison de la situation de l’emploi. La seule exception concernait les personnes arrivées en France munies d’un visa portant la mention admis à séjourner au titre de l’asile qui étaient autorisées à travailler dès le début de la procédure. (en application de l’article 15 du décret du 30 juin 1946, devenu le deuxième alinéa de l’article R. 742-1 du CESEDA).

Malgré le souhait des autorités, le délai moyen d’instruction des demandes d’asile n’a été que rarement inférieur au délai de six mois indiqué par la circulaire et à plusieurs reprises au cours des trois décennies , il a même dépassé le seuil de dix huit mois à deux ans. Avant 2005, et la création de l’allocation temporaire d’attente versée pendant toute la procédure dite normale, l’allocation d’insertion s’interrompait au terme de 365 jours et aucun dispositif assurant les conditions d’accueil ne lui succédait.

La directive 2003/9 du 27 janvier 2003 portant sur les normes minimales d’accueil qui est entrée en vigueur en 2005 a pour la première fois fixé une norme en la matière; Ces dispositions interdisaient la possibilité de demander une autorisation de travail avant un an si la demande était toujours à l’instruction à l’OFPRA (ce qui n’était pas le cas auparavant) et l’ouvraient pour les personnes qui avaient formulé un recours à la Commission des recours des réfugiés (un recours contre une décision implicite de rejet pouvant alors être formulé, en cas de silence de l’OFPRA, quatre mois après l’enregistrement de la demande). Dans tous les cas, la situation de l’emploi pouvait être opposée.  La faible information des demandeurs (voire des administrations) sur la procédure à suivre et l’opposition de la situation de l’emploi quasi systématique rendaient rares la délivrance des autorisations provisoires de travail (à l’exception notable du département de la Vendée où 85% des demandeurs d’asile étaient autorisés à travailler).

L’’article 15 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 a revu les normes. Les principales modifications par rapport à la directive de 2003 sont la suppression du principe d’une interdiction du marché du travail pendant une période déterminée remplacé par celui du principe de l’accès au marché qui doit se faire dans un délai maximal de neuf mois. Cela veut dire qu’un Etat-membre peut décider que les demandeurs d’asile peuvent immédiatement rechercher un emploi, même s’ils doivent être autorisés par une décision administrative à travailler.

Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 janvier 2021 indique clairement que la deuxième option est bien l’esprit et la lettre de la directive. Saisi d’une question préjudicielle sur la question de savoir si un Dubliné pouvait avoir accès au marché du travail, la Cour a confirmé que l’accès au marché du travail doit être possible dans un délai de neuf mois à compter de l’introduction de la demande , quelle que soit la procédure appliquée . D’autre part, elle donne une indication claire que les règles que fixent les Etats-membres doivent être simples pour que les personnes aient un accès effectif au droit au travail pour assure leur auto-suffisance. Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d’Etat en a tiré les conséquence en jugeant qu’il fallait revoir les dispositions de l’article L.554-1 du code :

La contrariété des dispositions est renforcée par la comparaison avec les dispositif quont mis en place la plupart des Etats-membres. (voir les rapports AIDA en anglais) :

La mesure envisagée par l’avant projet  n’envisage même pas de corriger les dispositions alors qu’il est dans l’obligation de le faire mais prévoit de n’ouvrir le droit au travail et à la formation professionnelle et linguistique immédiatement  qu’à certaines nationalités dont la liste serait fixée par un arrêté interministériel sur la base d’un décret. Quelle sera la base?, le taux de reconnaissance de l’OFPRA ou celui dit global avec les protections accordées par la CNDA? Quel sera  le seuil? : 30%, 50% ou 75% d’accords? On se prépare à créer une belle machinerie complexe.

Il est pourtant plus simple d’ouvrir à tous le droit au travail et à la formation professionnelle.

En moyenne, une procédure Dublin sans prolongation pour fuite, dure environ neuf à dix mois, c’est à dire le délai maximal fixé par la directive pour permettre l’accès effectif au marché du travail. Cela veut dire que les Dublinés devraient pouvoir solliciter une autorisation de travail dès la requalification de leur demande. Cela créé une situation paradoxale par rapport aux personnes qui accèdent directement à l’OFPRA et qui doivent attendre six mois après l’enregistrement (qui, en droit européen, correspond à l’introduction) pour pouvoir y prétendre et selon la jurisprudence du Conseil d’État dans la seule » fenêtre de tir » de l’examen de leur demande à l’OFPRA.

Il est plus simple de revenir, si ce n’est au régime d’autorisation automatique dès le début de la procédure, au régime existant entre 1991 et 2005 qui permettait à un demandeur d’asile de rechercher un emploi dès la délivrance de la première APS, en étant soumis au régime de droit commun pour l’autorisation provisoire de travail et d’assouplir les critères pour l’autorisation. Une fois un délai fixé par la future loi dépassé, l’attestation pourrait autoriser à exercer un emploi pour prendre en compte les considérants de l’arrêt de la CJUE sur l’autonomie des demandeurs.

Pour satisfaire sa volonté de donner des droits pour certaines nationalités ayant un fort taux d’accord, le retour à la situation antérieure par simple mesure réglementaire ou instruction, serait une meilleure solution. De 1985 à 2015, les personnes qui arrivaient avec un visa long séjour au titre de l’asile bénéficiaient dès la délivrance de l’autorisation de séjour, du droit de travailler  (et bénéficier des prestations familiales en application de l’article D.512-1 du code de sécurité sociale). Ils pouvaient par ailleurs être admis immédiatement en CPH (ce qui n’est plus le cas depuis 2016). Cette disposition a été supprimée en 2015, au même moment où les programmes de réinstallation prévus par l’article L.520-1 du CESEDA ont pris de l’ampleur. Si par instruction non publiée et aujourd’hui caduque, il a été prévu de délivrer dès l’arrivée sur le territoire une carte de séjour aux  personnes réinstallées syriennes, ce n’est pas le cas pour les personnes arrivées par le biais de l’accord de 2008 avec le HCR, des « couloirs humanitaires »ou encore au titre de l’asile (principalement Syriennes, Irakiennes, et Afghanes) qui introduisent une demande d’asile à l’OFPRA et sont considérées comme des demandeurs d’asile.

Concernant les personnes arrivées par réunification familiale, les préfets ont tendance à leur imposer un choix entre une demande de carte de séjour (soumise aux aléas des prises de rendez-vous ou d’une instruction dématérialisée de plusieurs mois) et une demande d’asile (avec la délivrance d’une attestation de demande d’asile sans droits aux prestations sociales autre que les CMA). La loi permet pourtant de faire les deux dans le même temps puisque les dispositions de l’article L. 431-2 du CESEDA permet dès l’enregistrement une « double demande.

 

Auteur: Responsable national Asile

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