« Étranges étrangers » : deux éditions très réussies du spectacle sur l’exil
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La Préfecture des Bouches-du Rhône est assignée en justice par les associations pour ne pas avoir mis en place d’alternative à la dématérialisation des demandes de titres de séjour. Hier devant la Préfecture on pouvait découvrir le parcours kafkaïen imposé désormais aux étrangers. Le Conseil d’État avait pourtant astreint la Préfecture à mettre en place des solutions alternatives
La dématérialisation des démarches en préfecture promettait de supprimer les files d’attente de personnes devant les guichets. En fait, ces files continuent à augmenter, mais elles sont devenues invisibles… sauf dans les permanences d’accueil où l’affluence a doublé depuis l’application de ces mesures.
Même si vous avez accès à un ordinateur, que vous comprenez non seulement le français mais le langage abscons de l’administration et de l’informatique,… les blocages et les pannes du système s’ajoutent pour murer votre accès à une simple demande de renouvellement. La numérisation fabrique des sans-papiers supplémentaires.
La Coordination des Associations d’Accueil des Étrangers des Bouches du Rhône – Coordasso – collecte depuis plusieurs mois les preuves du blocage de l’accès aux droits des étrangers par la dématérialisation de leurs démarches administratives.
Malgré la décision du Conseil d’État du 3 juin 2022, faisant obligation aux préfectures de proposer des accès non dématérialisés aux droits des personnes étrangères, les solutions mises en place dans les Bouches-du-Rhône sont largement insuffisantes.
La Cimade, le Gisti, le SAF (Syndicat des Avocats de France), l’ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), la Ligue des Doits de l’Homme, le Secours Catholique sous l’impulsion de Coordasso, ont déposé une requête auprès du Tribunal administratif, visant à faire respecter cette obligation.
Quant à la préfecture, rencontrée au début du mois de mars… elle ne voit pas le problème.
Le rassemblement d’hier visait à rendre visible ce combat dans l’espace public.
Nous sommes réunis aujourd’hui devant la préfecture des Bouches du Rhône pour soutenir le dépôt d’une requête contre la dématérialisation des démarches d’accès aux droits des personnes étrangères.
Quand on dit « dématérialisation des démarches », de quoi parle t’on ? Les procédures dématérialisées ont progressivement pris, depuis les années 2010, une place centrale dans les démarches d’accès aux droits : sociaux d’abord (CAF, pôle emploi) puis en préfecture.La dématérialisation ne vise pas seulement les personnes étrangères (depuis 2015, les demandes liées aux cartes grises et passeport se font désormais en ligne) mais évidemment, elle fragilise davantage les personnes les plus précaires.
Au cours de la décennie 2010, c’est principalement l’obtention d’un rendez-vous par le biais des sites préfectoraux qui s’est progressivement développée, parfois proposée comme une modalité d’accès au guichet parmi d’autres, mais souvent imposée sans alternative possible.
Ensuite, la dématérialisation a pris une ampleur inédite sous l’effet de la crise sanitaire. Au sortir du premier confinement qui avait vu la fermeture quasi-complète des préfectures et l’annulation de tous les rendez-vous prévus, la « réouverture » a été annoncée uniquement sur rendez-vous, à prendre via Internet. Les plannings ont bien souvent été saturés immédiatement, et de nombreuses personnes qui se trouvaient dans des situations d’urgence, contraintes par des délais stricts, n’ont pas pu accéder à temps aux guichets.
Puis les préfectures et le ministère de l’Intérieur ont accéléré, en 2020, le déploiement de la dématérialisation des demandes-mêmes de titre de séjour. Avec pour ambition que fin 2023, toutes les démarches liées au séjour des étrangers en France se fassent en ligne, sur la plateforme dite ANEF (Administration Numérique pour les Étrangers en France).
Bien sûr, la dématérialisation des démarches administratives est présentée comme une opportunité de simplification et d’amélioration de l’accès au service public. Les préfectures se félicitent d’avoir supprimé les files d’accueil devant les préfectures. En réalité ces files ont seulement été invisibilisées.
Le numérique se révèle un mur interdisant aux usagers et usagères l’accès au guichet et les privant de toute possibilité d’échange avec un interlocuteur. Un mur pour camoufler une politique sciemment organisée pour restreindre l’accès au séjour.
Ces téléservices, dont l’usage est rendu obligatoire par la plupart des préfectures, demandent une maîtrise poussée des outils informatiques, de la lecture et de l’écriture en français… Ce sont désormais les personnes elles-mêmes, et bien souvent les associations, bénévoles et professionnel·les du travail social qui les accompagnent, qui accomplissent le travail de saisie des informations et des documents nécessaires à l’enregistrement de la demande.
L’information des usagères et des usagers, mission fondamentale du service public, est défaillante pour les personnes étrangères alors que leurs besoins d’informations sont forts vu la complexité du droit qui les concerne. Nos structures et associations délivrent de nombreuses informations qu’il est difficile de trouver soi-même, surtout lorsqu’on maîtrise mal la lecture du français ou Internet.
Dans nos permanences, nous constatons en effet une forte augmentation des demandes liées à l’utilisation de l’outil informatique.
Aujourd’hui nous pouvons le dire : accéder à la préfecture est un parcours du combattant, malgré le principe d’égalité de toutes et tous devant le service public ! Les difficultés pour accomplir les démarches sont aussi sérieuses que les restrictions des critères de droit au séjour !
Nous observons ainsi des situations dramatiques, des personnes qui perdent leur droit au séjour et par là même leur emploi, leurs prestations sociales, non pas parce qu’ils ne remplissent pas les critères prévus par la loi mais parce qu’ils n’arrivent à se dépatouiller avec les démarches administratives.
A titre d’exemples :
Grace, 33 ans, de nationalité nigériane, est la mère d’une enfant récemment reconnue réfugiée. À ce titre elle peut prétendre à la délivrance d’une carte de résident. Elle se rend sur le site de l’Administration Numérique pour les Étrangers en France (ANEF) pour effectuer les démarches mais les informations essentielles à sa demande ne sont disponibles qu’en français. Or Grace est anglophone et maîtrise mal le français. Elle se rend en préfecture où l’agent d’accueil lui indique de prendre rendez-vous au Point d’accueil numérique.Elle se connecte à l’adresse indiquée mais aucun rendez-vous n’est disponible jusqu’à nouvel ordre.
À ce jour, Grace est toujours sans papiers et ne peut bénéficier des allocations auxquelles elle a droit pour élever son enfant.
Hamid, 78 ans, de nationalité algérienne, est titulaire d’une carte de résident renouvelable de plein droit. Il s’est fait voler ses papiers et souhaite obtenir un duplicata de sa carte. Ces démarches se font désormais en ligne, sur le site de l’ANEF, mais Hamid n’a pas d’ordinateur ni aucune connaissance en informatique. Il cherche à obtenir un rendez-vous en préfecture mais on lui répond que pour être reçu, il faut s’inscrire… sur internet. Le temps qu’il fasse toutes ces démarches, son titre de séjour est expiré. Après 42 ans de séjour en France, il se retrouve donc sans papiers.
Et nous pourrions vous en donner d’autres !
Nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat. Par exemple le défenseur des droits a pointé, dans plusieurs rapports et décisions, l’inégalité d’accès aux services publics et les risques liés à la fracture numérique. La jurisprudence également, et notamment le Conseil D’État, a confirmé que la dématérialisation des procédures ne peut être imposée et que des modalités alternatives d’accès au service public doivent toujours être proposées.
C’est la raison pour laquelle, depuis 2021, nos associations ont massivement assigné les préfectures en justice sur tout le territoire national pour demander des voies non dématérialisées d’accès au droit au séjour pour les personnes étrangères.
A Marseille, il n’existe plus aucun guichet d’accueil physique à la préfecture des Bouches du Rhône vers lequel les usagers puissent éventuellement se tourner pour obtenir des informations ou éclaircissements. Depuis le 15 juin 2020, la préfecture ne reçoit de public que sur présentation d’une convocation. Les accompagnants ne sont plus autorisés à pénétrer dans l’enceinte de la préfecture.
Seul concession de la préfecture : un point d’accueil numérique a été mis en place qui a vocation à être utilisé par les usagers n’ayant pas accès à un outils informatique ainsi que ceux qui rencontrent des difficultés leur rendant impossible les mêmes outils. Or, le PAN ne reçoit que sur rdv et les rendez-vous se prennent… padadam… En ligne !
Face aux réponses totalement insuffisantes de la préfecture des Bouches du Rhône, nous déposons une requête au tribunal administratif de Marseille. Nous demandons un service public ouvert à ses administré·es, garantissant un égal accès aux droits pour tous et toutes !
Auteur: Région Sud-Est
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