« C’est un vrai travail d’écrire, de témoigner. Sur la rétention, encore plus : peur du cliché, peur d’être rébarbatif. « Une obligation contractuelle », il paraît. Mais témoigner, ça se fait avec les tripes, non ? On ne peut pas se contenter de chiffres abstraits, et d’analyses thématiques.
Quand j’ai commencé mon travail en rétention, je me présentais comme une juriste. C’est vrai, sur mon contrat, il est écrit « accompagnatrice juridique ». Au fil des interventions, des mois passés dans le centre à côtoyer gendarmes et retenus de toute nationalité, l’image qu’on se fait de notre travail évolue. De « juriste », on passe à « assistante sociale » – la plupart des personnes rencontrées nous présentent ainsi à leur famille, puis à « simple observateur », dans les moments les plus critiques où l’incapacité à agir et le pessimisme s’imposent.
De là part l’envie, presque le besoin, d’écrire. Parce qu’à force de s’énerver à voix haute contre la politique, les pratiques policières, les tribunaux, la passivité collective, parce qu’à force d’écrire selon des codes juridiques précis, des cadres formels imposés, il devient difficile de transmettre quelque chose, de raconter véritablement ce qu’il y a derrière les murs : l’humain se perd…
Ces textes sont peut-être ce qu’il y a de plus enragé en nous. Ils nous obligent à sortir de notre routine professionnelle, de notre mécontentement quotidien pour nous efforcer de poser des mots, justes et réfléchis, sur ce qu’on voit et ce qu’on vit. ».
Clémence Viannaye
l’une des auteurs de Chroniques de rétention
Auteur: Service communication