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Au sein d’un collectif de plus d’une douzaine d’associations, la Cimade 73 ...
Le 28 mai 2021, la secrétaire d’Etat à la citoyenneté, Marlène Schiappa, annoncé un plan « vulnérabilités » constituées de dix actions. Quatre ans et demi après son adoption et alors que s’annonce la mise en œuvre du pacte européen en juin 2026, quel est le bilan de ce plan ? Qu’est-ce […]
Le 28 mai 2021, la secrétaire d’Etat à la citoyenneté, Marlène Schiappa, annoncé un plan « vulnérabilités » constituées de dix actions. Quatre ans et demi après son adoption et alors que s’annonce la mise en œuvre du pacte européen en juin 2026, quel est le bilan de ce plan ?
Qu’est-ce que la vulnérabilité ?
Cette notion, utilisée de longue date dans le travail social, est issue de textes européens en matière d’accueil et de procédures d’asile. L’article 21 de la directive accueil demande aux Etats de prévoir de prendre en compte les besoins spécifiques des personnes vulnérables dont une liste non exhaustive est dressée. A l’issue d’une évaluation, qui n’est pas une procédure administrative, les personnes vulnérables, notamment les mineurs accompagnés ou non et les victimes de torture ou de violence bénéficient de conditions matérielles d’accueil adaptées à leurs besoins spécifiques. En outre, quand on envisage de limiter ou de retirer ce bénéfice, les Etats-membres doivent en tenir compte. En matière de procédure d’asile, les personnes vulnérables peuvent bénéficier d’une procédure prioritaire, c’est à dire adaptée à leurs besoins spécifiques.
Dans l’esprit du législateur européen en 2003 et 2013 , cette évaluation et ces mesures doivent avoir un effet levier pour améliorer les conditions d’hébergement de tous les demandeurs d’asile (Dublinés compris puisque la Cour de justice de l’Union européenne venait d’affirmer contre le gouvernement français qu’ils avaient droit à ces conditions matérielles d’accueil par son arrêt Cimade et Gisti du 27 septembre 2012).
Ces dispositions ont été transposées en 2015 : l’article L.723-3 du code avait prévu une procédure adaptée à l’OFPRA pour les personnes vulnérables qui permet le cas échéant de reclasser une demande initialement examinée selon la procédure accélérée en procédure normale, y compris dans les zones d’attente et les centres de rétention (le signalement de l’OFPRA induisant la libération du demandeur). L’article L.744-6 du code confiait à des agents spécialement formés de l’OFII la mission d’évaluer les « vulnérabilités » autres que celles intrinsèques à la demande d’asile pour offrir un hébergement adapté aux personnes ainsi identifiées. Depuis la recodification, ces dispositions sont au deuxième chapitre du titre II du livre V du CESEDA et à l’article L 531-10 du code.
Dès le départ, les choses ont été mal engagées puisque pour la « détection » de la vulnérabilité, un arrêté, daté du 23 octobre 2015, élaboré à la hâte, a prévu un questionnaire à remplir par les agents de l’OFII, immédiatement après l’enregistrement de la demande : ce questionnaire porte tout d’abord sur le besoin d’hébergement exprimé puis sur l’existence d’un handicap moteur ou sensoriel. En cas de pathologie, les personnes sont invitées à renvoyer aux médecins de l’OFII, sous pli fermé, des éléments du dossier médical et ceux-ci donne un avis. En fonction des cases cochés, un score allant de 0 à 3 est établi. Alors que la loi prévoyait explicitement la formation des agents, l’OFII s’est longtemps contenté de demander à ses auditeurs de le remplir. Il serait plus que nécessaire de le réviser.
Pour l’OFPRA, à côté d’une formation continue des officiers de protection et des groupes de travail interdivisions sur des catégories de personnes vulnérables (femmes victimes de violence, mineurs non accompagnés, victimes de torture, orientation sexuelle), une adresse email a été mise en place pour que tout acteur puisse signaler une vulnérabilité.
La vulnérabilité, critère juridique de sélection ?
En 2009, le juge des référés du Conseil d’Etat a été saisi pour la première fois de requêtes de référé-liberté, concernant les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile et a consacré comme corollaire de la liberté fondamentale qu’est le droit d’asile, le droit d’en bénéficier. Mais très rapidement, face au nombre de requêtes, le juge a établi un grille de critères pour apprécier l’atteinte manifestement illégale et grave, en tenant compte des places disponibles, des diligences de l’administration et de la situation familiale, médicale ou sociale du requérant. Le dispositif étant constamment saturé, l’administration invoquant son impuissance, c’est ce dernier critère qui est devenu déterminant et le juge a alors inventé la notion de « vulnérabilité particulière » pour enjoindre à l’hébergement d’une personne dans le dispositif national d’accueil.
Cette notion a remplacé celle légale de détresse lorsque le droit de l’hébergement d’urgence fut reconnu comme une liberté fondamentale en 2012. La même grille de critères a été mise en place pour le seul office du juge des référés liberté, augmentée de circonstances particulières ou exceptionnelles lorsque la personne était déboutée de sa demande d’asile ou faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire.
Dans les litiges relatifs au refus ou retraits de conditions matérielles d’accueil, liés notamment aux fuite Dublin, le Conseil d’Etat a également considéré que, pour le rétablissement, devait être pris en compte, le besoin en matière d’accueil, la vulnérabilité et les raisons des absences aux convocations du demandeur.
Cette appréciation de la vulnérabilité se fait dans le cadre de l’office du référé-liberté mais elle a été reprise, peu à peu, comme un critère d’admission dans le dispositif.
Dans la foulée, saisi d’un recours sur le montant de l’allocation, le Conseil d’Etat a repris le raisonnement du ministère, d’un dispositif d’hébergement subsidiaire qui serait réservé en priorité à des personnes vulnérables tandis que les autres ne bénéficient que l’allocation, qui plus est sans montant additionnel, lorsque les personnes sont hébergées à titre gratuit par des personnes privées.
Le plan adopté en mai 2021 dont les travaux préparatoires ont duré deux ans et l’imposition en 2020, d’un délai de carence de trois mois pour bénéficier de l’assurance maladie est décliné en dix actions dont il faut faire le bilan.
ACTION N° 1 : mettre en place « un rendez-vous santé » dès l’enregistrement de la demande d’asile
Pour compenser le non-accès immédiat au système d’assurance maladie et dans la logique prophylactique de l’état d’urgence sanitaire, le plan prévoyait le déploiement de rendez-vous santé assurés par les médecins de l’OFII, d’abord dans trois directions territoriales puis généralisés. Selon le rapport d’activité de l’OFII, 7 851 rendez-vous ont été donnés en 2023, contre 3 071 en 2022 et 866 en 2021, représentant 8,8% des demandes enregistrées. On ne peut donc pas dire que ces rendez-vous remplacent le bilan de santé que peuvent faire les assurés et qui sont mentionnés expressément à l’article L. 522-1 du CESEDA.
Pour ce qui concerne l’évaluation de la vulnérabilité médicale, des données sont fournies dans les rapports d’activité de l’OFII : en 2023, 9927 avis ont été demandés, ce qui représente 6,8% des enregistrements.
ACTION N° 2 : créer un réseau de référents « vulnérabilités » parmi les acteurs de l’asile
Le plan indiquait que l’OFII s’était doté d’un réseau de référents dans 31 directions territoriales et prévoyait la mise en place d’un réseau régional, élaborant une cartographie, intégrant les instances locales chargées de la mise en œuvre de la politique de l’asile (comité de pilotage), assurant l’articulation avec des dispositifs spécifiques notamment de santé, renforçant les transmissions d’informations entre référents de l’OFII et l’OFPRA et en renforçant les articulations avec les référents du parcours santé des migrants au sein des agences régionales de santé.
Quatre ans et demi après, on cherchera en vain la liste des référents OFII ou leur adresse fonctionnelle dont il avait été promis la diffusion. En revanche, la personne chargée des vulnérabilités au sein de l’OFPRA est identifiée et son adresse est connue.
ACTION N° 3 : développer la formation au repérage des vulnérabilités
Des formations sous le pilotage de la DGEF devaient être organisées pour dans un premier temps partager le savoir-faire de l’OFPRA en la matière à destination de l’OFII et des SPADA puis des sessions régionales visant au « repérage précoce ».
Le plan a permis pour la première fois d’organiser la formation des auditeurs asile de L’OFII par le HCR pendant deux ans, avant d’être brutalement interrompue par l’Office. Le module de formation ne consiste qu’en la description du questionnaire de l’arrêté d’octobre 2015. En revanche la formation des structures d’hébergement et des SPADA a été plus régulière.
ACTION N° 4 : favoriser le repérage précoce des vulnérabilités dès l’entrée dans la procédure d’asile
Le plan prévoyait un signalement précoce par les SPADA et cela a été intégré dans le cahier des charges du marché public en revanche, aucun des indicateurs demandés aux opérateurs ne quantifient ces signalements.
ACTION N° 5 : développer des campagnes d’information ciblées
Le plan prévoyait l’élaboration de plaquettes d’information à destination des personnes LGBTQIA + des femmes victimes de violence et de personnes ayant des problèmes de santé, qui devaient être diffusées sur le site de la DIAIR ,elles ne l’ont pas été et personne ne sait ce qu’il advient de cette délégation interministérielle sans titulaire depuis le départ en retraite d’Alain Regnier.
Mieux protéger les demandeurs d’asile et les réfugiés vulnérables
ACTION N° 6 : développer les places spécialisées au sein du parc d’hébergement
Le plan prévoyait la création de places sécurisées pour les femmes victimes de violence, pour les personnes LGBTQIA+ et de cartographier les places disponibles pour les personnes à mobilité réduite. Si 300 places ont été effectivement ouvertes pour les premières (avec un prix de journée augmenté de 13 euros qui le rapproche de celui d’un CHRS), l’appel à projets pour labelliser 200 places pour les personnes LGBTQIA+, avec des contraintes particulières sans augmentation de prix de journée, a semé la perplexité. Pour ce qui concerne les places dédiées aux personnes à mobilité réduite, aucun document publié ou communiqué par l’OFII ne fait état de leur nombre et leur localisation.
ACTION N° 7 : développer l’information des professionnels de santé sur le psycho-trauma
Le plan s’appuyait sur quinze structures de prise en charge globale du psycho-traumatisme pour tout public, des actions de formation en particulier pour médecins de ville aux psycho- trauma organisées par des opérateurs et d’une enveloppe de 1,2 millions d’euros consacré au financement de structures spécialisées. Mis à part ces dernières, dont le financement pourrait être remis en cause par la disette budgétaire, on ne sait pas grand-chose de sa mise en œuvre.
ACTION N° 8 : garantir une présence médicale dans chaque centre d’hébergement
Le plan prévoyait de développer les interventions sanitaires dans les lieux d’hébergement, la mise à disposition d’infirmiers et de psychologues et de l’interprétariat de santé et de médiation sanitaire. Cela repose sur les obligations des centres de rechercher un médecin traitant pour les résidents, de développer des interventions de psychologues dans les lieux et la prise en charge de l’interprétariat dans la dotation globale de financement.
ACTION N° 9 : garantir l’accès à la procédure d’asile des mineurs non accompagnés
Le plan prévoyait la formation des acteurs locaux, la coopération renforcée des acteurs et institutions et la mise en place d’une procédure d’enregistrement harmonisée et spécifique à la demande d’asile des mineurs.
Si à la faveur de la recodification des dispositions réglementaires spécifiques ont été adoptées, elles sont restées lettre-morte puisque les guichets uniques et les SPADA continuent d’exiger la nomination préalable d’un administrateur ad hoc pour que la demande soit présentée puis enregistrée. Les conseils départementaux, pourtant chargés de l’accueil, ne tiennent pas compte du statut de demandeur d’asile pendant l’évaluation. Résultat la majeure partie des mineurs non accompagnés est réticente à demander asile car cela retarde leur prise en charge. A l’OFPRA, malgré les dispositions claires de la loi, les administrateurs ad-hoc ne sont pas toujours présents lors des entretiens.
ACTION N° 10 : renforcer la prise en charge des réfugiés réinstallés
Le plan prévoyait des mesures d’évaluation de la situation médicale individuelle des réfugiés à réinstaller en amont de leur arrivée en France et des démarches pour accélérer l’accès aux droits à la santé et permettre un premier bilan médical. l’instruction du 23 mai 2023 puis celle du 26 août 2025 rappellent cet objectif.
Le pacte européen pour l’immigration et asile est constituée d’une série de règlements et d’une directive relative à l’accueil des demandeurs d’asile qui ont été publiées le 24 mai 2024 au journal officiel de l’UE, sont entrés pour la plupart en vigueur mais ne sont applicables qu’à compter de juin-juillet 2026. Élargissant la possibilité de rétention des demandeurs d’asile aux frontières (notamment lors de la procédure de filtrage et d’examen des demandes d’asile à la frontière), l’évaluation de la vulnérabiité sera déterminante pour savoir si la personne reste enfermée ou assignée à résidence ou si elle bénéficie du statut de demandeur d’asile sur le territoire.
Pour la Cimade, le bilan en la matière de l’Office français d’immigration et d’intégration est pour le moins mitigé et pourtant, une proposition de loi prévoyant que l’OFII assure les missions aujourd’hui dévolues aux associations dans les zones d’attente et les centres de rétention (y compris pour l’aide à l’introduction de demandes d’asile) a été adoptée au Sénat.
Parce que l’évaluation des personnes vulnérables par l’OFPRA est plus fine et qu’il n’existe pas de vulnérabilité extrinsèque ou intrinsèque, il serait mieux que cela soit l’office de protection des réfugiés et apatrides qui assure cette mission. La création de pôles territoriaux France asile pourrait permettre une implantation régionale ou zonale de l’office et ainsi intervenir dès la présentation de la demande, en coopération avec les structures de premier accueil.
Parce que les textes européens, parle d’une seule autorité de détermination, cela serait également un moyen de confier à l’OFPRA l’ensemble des missions des autres administrations, en créant ainsi un véritable guichet unique des demandeurs d’asile avec les garanties d’indépendance vis à vis du ministre de tutelle, que n’ont pas les préfectures et l’OFII.
Un dialogue plus constructif pourrait ainsi se créer entre l’office et les structures d’accueil, d’hébergement ou les associations accompagnant les demandeurs d’asile et la vulnérabilité ne serait plus un critère de sélection mais un levier pour améliorer les conditions d’accueil des personnes demandant asile.
Auteur: Responsable national Asile
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