Depuis novembre 2015, les autorités françaises ont, sans cesse, renouvelé abusivement les contrôles à toutes les frontières intérieures terrestres et aériennes, faisant ainsi exception au principe de liberté de circulation dans l’espace Schengen. En contradiction avec le droit européen, qui, dans sa réforme de 2024, limite la durée maximale du rétablissement des contrôles à deux ans, avec une possible prolongation de deux fois six mois dans des cas exceptionnels, la France a réintroduit les contrôles en continu depuis 10 ans.
Quotidiennement, à Menton, Montgenèvre, Hendaye, Modane et Cerbère, ou encore dans les aéroports, les forces de l’ordre françaises contrôlent l’identité des personnes entrant sur le territoire. Dans la plupart des cas, ces contrôles ciblent de manière discriminatoire les personnes perçues comme migrantes, en raison de leur apparence, de leur couleur de peau ou de leur tenue vestimentaire.
Nos associations, engagées pour le respect des droits fondamentaux sur ces territoires et espaces, constatent qu’en plus de ces contrôles au faciès illégaux, les personnes exilées subissent de nombreuses violations des droits : enfermement illégal, violation du droit d’asile, non-respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nos observations menées aux frontières depuis plusieurs années ainsi que le recueil des témoignages des personnes renvoyées, notamment en Espagne, en Italie, ou en Grèce depuis les aéroports, aboutissent toujours au même constat : le renvoi vers le pays européen de provenance prime sur le respect des droits fondamentaux.
Des exemples récents illustrent cette triste conclusion. En octobre dernier, à Montgenèvre, une jeune femme, de nationalité érythréenne, accompagnée de son bébé, a été refoulée à trois reprises en Italie alors qu’elle avait demandé l’asile en France. À Menton, des personnes témoignent quotidiennement de conditions de privation de liberté indignes, de l’absence de notification des droits et de remise des documents administratifs, y compris pour des mineurs isolés qui doivent pourtant faire l’objet d’une protection spécifique. Les rapports de visite des locaux de privation de liberté à Modane, Menton et Montgenèvre de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, publiés le 6 novembre dernier, sont édifiants quant à l’indignité de l’enfermement à cette frontière et au non-respect des droits des personnes. À la frontière franco-espagnole, les forces de police ont elles-mêmes indiqué, en juillet 2025, qu’il leur était demandé de ne pas respecter les règles pour pouvoir « gagner en efficacité dans la lutte contre l’immigration clandestine »[1]. Dans les aéroports, les personnes en provenance de villes européennes (principalement italiennes, espagnoles et grecques) sont enfermées illégalement dans les zones d’attente dans des conditions indignes.
Depuis 2015, ces personnes victimes de ces pratiques subissent des traumatismes physiques et psychologiques. Cette politique a des conséquences mortifères : au moins 73 personnes exilées sont décédées depuis 2015, aux frontières franco-italienne et franco-espagnole, selon les associations et collectifs agissant localement. Une estimation en-deçà de la réalité et qui ne prend pas en compte les personnes disparues, notamment dans les montagnes ou pendant leur parcours d’exil. Autant de personnes qui n’ont eu d’autre choix que d’emprunter des voies toujours plus dangereuses.
Aujourd’hui, nous réitérons notre appel à une politique respectueuse des droits humains aux frontières, et demandons notamment :
- La fin des contrôles discriminatoires ;
- Le respect effectif du droit d’asile ;
- La protection des enfants ;
- La fin de l’enfermement aux frontières ;
- La fin des contrôles illégaux aux frontières intérieures.
Le 6 décembre, à 11h, associations et collectifs engagés localement aux frontières, rendront visible ce triste anniversaire et cet appel, à Menton, Montgenèvre, Modane, Le Perthus, Hendaye et à Roissy.
Contact presse :
La Cimade I Valentina Pacheco I valentina.pacheco@lacimade.org 06 42 15 77 14
Anafé I Charlene Cuartero Saez I charlene.cuartero@anafe.org I 07 60 25 58 03
| Associations signataires :
Amnesty International France
La Cimade
Médecins du Monde
Médecins Sans Frontières
Anafé
Associations de la frontière franco-italienne :
Mouvement Citoyen Toutes et Tous Migrants
Sentieri Solidali Oulx
Roya Citoyenne
Emmaüs Roya
Caritas Intemelia
Diaconia Valdese
AdN – Association pour la démocratie à Nice
LDH Section de Nice
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Pays de Fayence Solidaire
Syndicat des Avocats de France
Passerelles en Maurienne
WeWorld Onlus
Association de la frontière franco-espagnole :
Fédération Etorkinekin Diakité
Ongi Etorri Errefuxiatuak
Mugak Zabalduz
Mouvement pour la Paix
ASTI 66
MRAP 66
Ànima Mater
Càritas Portbou
Col·lectiu Hourria
Coordinadora Obrim Fronteres
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[1] Médiapart, 25 juillet 2025 : « À Hendaye, des exilés enfermés près de 18 heures dans les locaux de la police aux frontières ».
Auteur: Service communication