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Le 14 mai, un voilier à destination des Iles Vierges américaines transportant 29 personnes de nationalité haïtienne était intercepté par la douane, au large de Bouillante. A bord de ce bateau se trouvaient notamment cinq enfants âgés de quatre à huit ans accompagnés de leurs parents.
Interpellées par la police aux frontières, les personnes sont enfermées dans une zone d’attente à Basse-Terre. Privées de liberté, plongées dans l’incompréhension de leur situation, elles indiquent à plusieurs reprises leur souhait de contacter des proches, un.e avocat.e et de demander asile. Pourtant, ces droits fondamentaux leurs sont refusés par la police.
Dès le lendemain à midi, elles sont amenées en bus à l’aéroport de Pointe-à-Pitre afin d’être expulsées vers Haïti par le vol de 15 heures. A ce moment-là, à peine plus de 24 heures se sont écoulées depuis leur débarquement sur le territoire guadeloupéen.
Cette situation aurait pu se dérouler dans le secret si un journaliste de Guadeloupe la 1ère, informé par le consul d’Haïti ne s’était emparé du sujet permettant ainsi aux avocat.e.s et associations de se mobiliser rapidement.
Trois avocates[1], des représentants de l’association haïtienne Tet Kole, de La Cimade et un représentant de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), se rendent donc au bureau de la Police aux Frontière de l’aéroport afin d’obtenir des renseignements pendant qu’un quatrième tente de saisir les juridictions. L’ensemble de la situation s’avère très opaque, aucune information n’est transmise aux avocat.es et l’accès aux personnes leur est refusé.
Ces méthodes arbitraires ont porté atteinte au principe de non-refoulement vers un pays où il existe un danger immédiat pour la vie, au droit fondamental d’être assisté par un conseil en cas de privation de liberté et du droit pour toute personne qui le souhaite de demander l’asile, droits fondamentaux que la France s’est engagée internationalement à respecter.
Un des avocat.es parvient finalement à introduire un recours en urgence auprès du Tribunal administratif de Basse-Terre. A 14h50, soit 10 minutes avant le décollage, le tribunal convoque les personnes à une audience qui doit se tenir le lendemain à 14h30. L’administration n’a plus le choix, le vol est suspendu.
Il faudra attendre encore plusieurs heures pour que les personnes puissent sortir du bus et être ramenées dans un hall de l’aéroport, transformé pour l’occasion en zone d’attente. Des lits de camps sont installés les uns à côté des autres, sans séparation ni entre les adultes et les enfants, ni entre femmes et les hommes, dans une chaleur étouffante.
Le lendemain, la salle du tribunal administratif peine à contenir les 29 personnes interpellées, adultes et enfants, leurs avocat.e.s et les policier.e.s en charge de l’escorte.
Exceptionnellement, en raison de l’importance de l’affaire, les juges se sont réuni.e.s en formation collégiale.
Après 1h30 d’audience, la décision est rendue. Le droit d’asile a été violé par l’administration, les juges enjoignent le préfet à enregistrer les demandes et à améliorer les conditions d’enfermement actuelles qui violent le droit de ne pas subir des traitements indignes et inhumains et la convention internationale des droits de l’enfant.
Les personnes sont ramenées à l’aéroport dans une zone d’attente pour y passer une nouvelle nuit. Le lendemain, elles sont convoquées devant le juge des libertés et de la détention (JLD) qui doit vérifier la légalité de leur enfermement.
Au vu du nombre d’irrégularités de procédure les JLD ont l’embarras du choix pour annuler la procédure et ordonnent 29 libérations.
La procédure légale est le rempart qui protège l’individu de l’arbitraire du pouvoir, des dérives de la police et de l’administration. Son respect, indispensable dans une société démocratique garantit le respect des droits fondamentaux.
Le 14 mai, les garanties procédurales ont été largement violées démontrant une volonté certaine de l’administration d’expulser en catimini.
24 hommes et femmes, et cinq enfants ont failli être expulsés en violation de leurs droits vers un pays qui traverse « sa pire situation […] humanitaire depuis des décennies »[2], un conflit armé interne d’une violence d’intensité exceptionnelle.
Or le 20 mars 2024, le Haut-commissariat aux réfugiés (organe de l’ONU) rappelait une nouvelle fois que « La vie, la sécurité et la liberté des Haïtiens sont menacées par la montée en flèche de la violence des gangs et des violations des droits humains. […]il est impératif de veiller à ce que les Haïtiens qui pourraient avoir besoin d’une protection internationale en tant que réfugiés en bénéficient. Nous réitérons également notre appel à tous les États pour qu’ils ne renvoient pas de force des personnes en Haïti, y compris celles dont la demande d’asile a été rejetée. »[3]
La France ne peut pas violer ses propres lois et ses engagements internationaux dans le but opportuniste de répondre à un agenda politique cynique et inhumain.
[1] Les avocat.e.s ayant défendu ces personnes vulnérables et privées de liberté ont été pris à parti et menacés par un groupuscule d’extrême-droite, notamment sur le réseau social X (ex-Tweeter). Dans un communiqué commun, La Cimade leur apporte son soutien : lire le communiqué.
[2] https://www.unhcr.org/fr-fr/actualites/communiques-de-presse/le-hcr-appelle-les-etats-sabstenir-de-renvoyer-de-force-les
[3] Les Haïtiens qui ont besoin d’une protection internationale doivent la recevoir, affirme le HCR | Les Nations Unies en Haïti
Auteur: Région Outre-Mer
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