Une politique d’expulsion de plus en plus répressive
21 janvier 2020
Alors que le gouvernement publie aujourd’hui ses statistiques annuelles sur l’immigration avec notamment celles liées aux expulsions, La Cimade analyse les principales évolutions et leurs conséquences à partir de ses propres indicateurs plus précis.
La divulgation annuelle des statistiques concernant les expulsions par le gouvernement en place, comme ses prédécesseurs, est traditionnellement une opération de promotion en trompe-l’œil.
Elle met l’accent sur le nombre d’expulsions réalisées vers des pays tiers en dehors de l’Union européenne. Plus ce nombre est élevé, meilleure serait la politique menée. Cette opération de communication travestit la réalité et occulte le caractère de plus en plus répressif de cette politique.
Entre 2015 et 2018, le nombre d’obligations de quitter le territoire français a ainsi augmenté de 30 % (de 80 000 à plus de 100 000 – données Eurostat – 2019 pas encore communiquées). Dans le même temps, leur taux d’exécution a chuté de 17 à 12 %. Dans ce contexte, annoncer que le nombre de personnes expulsées a augmenté n’a pas grand-sens.
Les constats et les chiffres rassemblés par La Cimade en 2019, en particulier dans les centres de rétention où elle intervient (Mesnil-Amelot, Bordeaux, Hendaye, Rennes, Toulouse, Les Abymes – Guadeloupe, Cayenne – Guyane), montrent le caractère de plus en plus violent et répressif de cette politique et l’éclaire sous un jour très différent.
Contrôle et enfermement des personnes migrantes se développent
Pour expulser, les pouvoirs publics assignent de plus en plus de personnes à résidence, restreignant leur liberté d’aller et venir. Ces mêmes personnes sont généralement enfermées en rétention après une interpellation. Les plus réticentes face à un renvoi forcé sont de plus en plus souvent expédiées en prison.
Enfermement en rétention + 37 %
En 2019 le nombre de personnes enfermées dans les CRA où La Cimade intervient a augmenté de 37 % par rapport à 2016, avant l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir (+ 8 % entre 2018 et 2019).
Silence sur la majorité des expulsions depuis l’outremer marquées par des violations des droits
Les données annuelles publiées par le ministère de l’intérieur occultent totalement les expulsions réalisées depuis les départements ultramarins comme la Guyane, la Guadeloupe ou encore Mayotte. En 2019, 27 000 expulsions ont été exécutées depuis Mayotte avec des violations massives des droits (parents d’enfants français renvoyés de force aux Comores, familles séparées, enfants enfermés et expulsés illégalement).
Trois morts en rétention
Trois personnes sont décédées en rétention ce qui est inédit. Ces drames s’inscrivent dans un contexte où les directives du ministère de l’intérieur conduisent les préfectures à remplir ces lieux d’enfermement et à en augmenter le nombre de places. Les tensions et les violences y sont de plus en plus fortes aussi en raison de l’enfermement de personnes malades, en particulier atteintes de troubles psychiatriques avérés.
90 jours d’enfermement
La durée maximale d’enfermement qui a doublé suite à l’adoption de la loi Collomb pèse lourdement sur les personnes enfermées pour un nombre d’expulsions supplémentaires minime (voir le graphique ci-dessous).
Détournement de la rétention pour expulser les personnes dublinées
Les personnes dublinées vers un pays européens représentent 21 % des personnes expulsées depuis les CRA où intervient La Cimade. Les deux tiers sont expulsés dès le premiers jours de la rétention (voir le graphique ci-dessous). Leur enfermement n’est organisé que pour des raisons logistiques et devrait être évité.
Enfants enfermés + 56 % en métropole
En 2018, 86 enfants avaient été enfermés dans les CRA où La Cimade intervient. En 2019, 135 ont subi ce traumatisme. À Mayotte des milliers d’enfants sont enfermés chaque année.
Une volonté d’expulser y compris vers les pays les plus dangereux