AGEN – CONFÉRENCE – EXTRÊMES DROITES, UNE IDÉOLOGIE A DECONSTRUIRE
Annoncé mi-juillet, un collectif rassemblant une douzaine d’associations lot-et-garonnaises a ...
Aujourd’hui est un grand jour car l’étape du tour se termine à l’Alpes d’Huez et comme chacun le sait le cyclisme est au policier ce que la pétanque est au marseillais.
Mercredi 23 juillet 8h30
Arrivée au Centre de Rétention, les grilles s’ouvrent. Sur le parking le staff infirmier du Centre de rétention composé de trois infirmières quadragénaires apprêtées comme des Barbies, grille des clopes en compagnie d’un chef de poste désireux de se rassurer sur son pouvoir de séduction. Le labyrinthe quotidien fait de couloir et de coup de badge pour accéder au bureau.
Même si la météo nous annonce une journée caniculaire la clim dans les bureaux a trop anticipé et nous dispense dès le début de matinée un air quasi polaire.
Aujourd’hui est un grand jour car l’étape du tour se termine à l’Alpes d’Huez et comme chacun le sait le cyclisme est au policier ce que la pétanque est au marseillais. Comme chaque après-midi la salle de repos affectée aux fonctionnaires va être bourrée d’uniformes tournés uniformément vers l’écran de télé afin de voir les pharmacies ambulantes en découdrent sur les routes de montagne.
Un café et un petit point rapide sur les dernières entrées au centre. Valérie arrivée avant moi, a déjà eu le temps de se rendre dans le secteur des femmes et me rapporte ses impressions sur une jeune femme russophone arrivée la veille au soir.
_ Ça va être difficile avec elle ; elle ne communique presque pas, elle est très embrouillée dans ces explications, j’aimerais bien que tu l’as reçoive parce qu’avec moi c’est compliqué. Je pense que c’est une travellers !
Petit problème lexico/ générationnel la première idée qui me vient c’est qu’elle a eu une problème avec des travellers chèque avant de me raviser et de pigée que le mot français adéquat, bien qu’un peu suranné est routarde.
On se rend dans le secteur femme. Elles sont 6 à errer dans les couloirs entre chambre et cour grillagée.
Elle a le visage collé aux mailles métalliques et ne tourne même pas la tête à notre arrivée. Nous approchons et une fois à quelques mètres d’elle, elle fait volte face et je suis frappé par son état de délabrement physique et l’immense tristesse qui émane d’elle. Elle ne s’est manifestement plus lavée depuis très longtemps et de son visage noir de crasse seuls percent ces jolis yeux bleus rougis par les larmes. Ces cheveux blonds, mi longs lui font un casque rigide sur la tête et supporteraient sans problème la comparaison avec les gels coiffants les plus costauds tant ils sont fixés par la crasse. Elle parle dans un anglais parfait auquel lorsque le débit s’accélère et que son ton monte se mêlent des mots en russe ou ce que je prends alors comme tel et qui s’avéreront plus tard être du lettons. Elle crie plutôt qu’elle ne parle, ponctuant chaque série de phrases par des gestes désordonnés marquant son désespoir, sa révolte et son impuissance. Elle semble revenir de l’enfer ou même y être encore. À l’évidence elle est totalement déconnectée de la réalité et ne comprends même pas où elle se trouve, ni qui je suis lorsque je lui parle.
Je suis l’autre, comme tous les autres, un danger, un ennemi potentiel. Elle n’est pas agressive seulement ultra méfiante. Dès qu’un policier se retrouve dans son champ de vision à moins de vingt mètres, elle se referme comme une huître et son regard s’affole.
Une demi-heure plus tard passée en palabre et en tentative de mise en confiance souvent par les mêmes arguments maintes fois répétés, j’arrive à l’emmener jusqu’au bureau de La Cimade avec l’idée d’appeler une interprète que nous apprécions pour sa douceur, son efficacité à calmer les personnes et dénouer les situations critiques.
Dès son entrée dans le bureau une odeur acre envahit le petit espace et je me dis que le premier quart d’heure passé je devrais être dans le bain (si on peut dire). Grâce à la patience de l’interprète, des morceaux de puzzle finissent par s’emboîter et des morceaux de vie apparaissent, tous plus sordides les uns que les autres. Mafia russe, réseau de prostitution et de traite, viols à répétition, sévices divers.
Pause clope et aération indispensable. Oxygène et nicotine. Victoria se cramponne à sa chaise. Après dix minutes de supplications, j’arrive à faire sortir Victoria de mon bureau et lui demande de retourner dans sa chambre que je reviendrais très vite la chercher.
Grossière erreur ! Elle n’ira pas plus loin. Dans le même temps un gradé vient m’avertir que les autres femmes du secteur se plaignent de l’odeur et ont fait savoir aux policiers qu’elles verraient d’un bon œil un passage préalable par la douche avant tout retour au secteur de la dame russe.
Le problème est vite résolu puisque Victoria n’a de toute façon, plus du tout envie de retourner dans ce secteur et refuse désormais tout ce que l’on lui propose. Elle accepte après un quart d’heure de négociation d’aller s’asseoir devant le bureau à l’extérieur.
J’ai vraiment besoin d’un peu d’oxygène. Valérie et moi entrons dans la salle de repos au moment où le groupe maillot jaune est en grande difficulté. Eux aussi semblent manquer d’oxygène. Il reste une dizaine de virages en lacet avant le sommet. Hou lala quel suspens.
Retour au bureau, Victoria marche à grande vitesse de long en large de l’espace déambulatoire (qui comme son nom l’indique sert à ça) en criant et en pleurant abondamment. Tout est à refaire me dis-je ! Non pas tout à fait car une association marseillaise dont elle nous a lâché le nom dans un bref moment de sérénité le matin, se souvient d’elle, retrouve dans ses archives une copie d’un passeport letton et nous le faxe.
Serait ce le sésame vers la liberté ? Fier comme un bar tabac je fonce au greffe le papier à la main. Holà manant arrêtez tout j’ai la preuve qu’il s’agit d’une lettone donc une communautaire, etc..
L’effet produit n’est pas flagrant, mais vu que la jeune femme commence à poser de sérieux problèmes de cohabitation à tout le monde, le document est toutefois accueilli avec soulagement comme un moyen d’évacuer un problème insoluble.
Retour au bureau où je découvre derrière les vitres de notre bocal le staff médical au grand complet formant un cercle autour de Victoria, et qui essaient une approche en douceur. Celle ci leur cri qu’elle n’est pas psychotique ni même psychopathe, qu’elle connaît bien leurs manœuvres, qu’elle n’a pas besoin d’eux et basta !
Le médecin un peu déconfit et pas très opiniâtre viens vers moi et me délivre un diagnostique d’une précision et d’une pertinence médicale époustouflante.
-« Elle n’est pas folle, elle tient des propos cohérents, elle ne met en danger ni elle ni autrui. Elle est juste asociale. Je ne peux pas avec pour si peu de chose l’a faire examiner par un psychiatre et encore moins l’obliger à se laver.
-Bon bin merci docteur si j’ai besoin de rien la prochaine fois je n’hésite pas à vous appeler.«
Victoria durant tout ce temps s’est figée et scrute tour à tour chacun des pantins qui s’agitent devant elle. Son regard accroche le mien. « Victoria tu reviens dans le bureau discuter avec moi ? »
Elle me suit, ouf, sans doute heureuse de s’extirper des pattes de Mabuse. Ayant de plus en plus de mal à faire l’impasse sur le problème d’hygiène, je me lance et lui dis que ce serait bien qu’elle profite des douches pour se laver un petit peu et que je peux également récupérer des fringues à l’ANAEM le temps que l’on nettoie les siennes et même que si on ne peut pas les ravoir elle peut garder les autres.
Aille ! Mauvaise pioche ! Grossière erreur ! Je dois savoir que si elle a décidé un jour d’arrêter de se laver c’est pour ne pas être reconnue par les mafieux qui sont à sa recherche. Il s’agit d’un camouflage (sic via l’interprète). Quel con, comment n’y avais-je pas pensé ? Ouah, j’en vois plus le bout de cette étape.
Dans l’après midi enfin un fonctionnaire du greffe arrive dans mon bureau avec un ordre de libération pour la lettone(sic). Les choses se sont accélérées lorsque le consul himself a envoyé un fax attestant de la citoyenneté de la dame.
Je pressens que tout n’est pas réglé pour autant et que le sprint avant la ligne d’arrivée est encore indécis. J’accompagne le fonctionnaire chargé de notifier la libération à Victoria dans le secteur femme. Elle est dans un coin de la cour. « Victoria, you’re free ! »
Un ange passe, elle me regarde puis s’en prend au policier en lui disant qu’elle ne marche pas dans ce piège et qu’il est hors de question qu’elle sorte d’ici. Les autres femmes présentes qui prendraient bien sa place la pressent de déguerpir, trouvant limite indigne de sa part de refuser une telle proposition. Rien n’y fait. Je veux recommencer ma vie ici ?! Je ne peux pas partir car ils vont me reprendre une fois dehors et puis il vont encore me violer et puis me ……..(pleurs , cris ).
Je demande au policier de me laisser l’ordonnance de libération et de quitter la zone car il me complique la tache. Une demi heure plus tard (c’est parfois très long une demie heure) Victoria est à nouveau dans mon bureau. L’air avait à peine eu le temps de se renouveler et c’est reparti pour un nouvel acte, celle du refus de libération acte 1.
Trois quarts d’heure plus tard alors que même les retardataires ont sûrement déjà franchis la ligne d’arrivée, Victoria consent à sortir du centre avec moi, mais juste pour fumer une clope. Je l’accompagne jusqu’à la sortie, de l’autre côté des grilles, ce n’est pas très glorieux comme ruse mais je commence à manquer de souffle et puis j’ai un plan de secours en guise de relais, la veille sociale, Médecins du Monde et tout le tremblement.
J’appelle le 115, leur refais en accéléré le topo des 12 dernières heures. Sans avoir à forcer le trait, j’obtiens leur promesse que l’équipe mobile va venir la prendre en charge. J’apprends le lendemain par une infirmière de Médecins du monde qu’après trois quart d’heure de discussion au bord de la route ils n’ont pas réussi à la faire monter dans le camion pour lui porter assistance.
A 23 h 00 deux médecins sont repassés et l’ont trouvé allongée dans le fossé à proximité du centre de rétention et elle a de nouveau refusé de les suivre. Elle attendait le monsieur qui s’était occupé d’elle au centre leur a-t-elle dit.
J’ai comme un nœud dans la gorge. Je ne reverrais sans doute jamais victoria comme l’immense majorité des personnes rencontrées en rétention, elle est passée comme un morceau de comète en pleine désintégration. Pas de lauriers pour Victoria la mal nommée et pas de maillot jaune pour moi.
Auteur: Service communication
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