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Quand le déni des droits est au pouvoir

6 décembre 2019

Au début de l’année, nous dénoncions l’entrée en vigueur de la nouvelle loi contre les personnes étrangères de l’ère Macron, laquelle marquait « un tournant dans la répression des personnes étrangères ». Cette loi a doublé, de 45 à 90 jours, la durée possible de leur enfermement pour les expulser.

Le désespoir que cela a engendré chez les premières personnes concernées se fit instantanément sentir dans les différents centres de rétention de France : des grèves de la faim éclatèrent au cours des mois de janvier et février dans les CRA du Mesnil-Amelot, de Vincennes, d’Oissel, de Lyon et de Plaisir.

Cette aggravation des conditions d’enfermement, qui s’apparentent de plus en plus à une peine de prison pour des personnes privées de liberté sans avoir commis le moindre délit, intervenait dans un contexte d’ores et déjà marqué par des tensions à la hausse dans les CRA.

En septembre 2018, déjà, La Cimade dénonçait une « situation explosive dans les centres de rétention ». Face aux traumatismes engendrés par l’enfermement, par des conditions matérielles indignes, par la violence d’un système plus proche que jamais de l’univers carcéral et par le manque de prise en charge adéquate des personnes malades ou vulnérables, La Cimade alertait le gouvernement sur les conséquences gravissimes de ses choix ; en vain.

Le 26 juin 2019, La Cimade et 21 autres associations écrivaient au ministre de l’intérieur M. Castaner afin de tirer à nouveau la sonnette d’alarme. : « Taux d’occupation des centres en très forte hausse, automutilations, émeutes, suicides, pratiques illégales des préfectures, politique punitive pouvant aller jusqu’à trois mois derrière les barbelés, enfermement systématique, enfants privés de liberté » : la politique du gouvernement en matière de rétention et expulsion – dénonçaient les associations – avait « franchi la ligne rouge ».

Quelques jours plus tard seulement, le 11 juillet, à la suite de plusieurs jours de violences extrêmes au CRA du Mesnil-Amelot – dont trois tentatives de suicide – La Cimade décidait de se retirer du centre.

Ce n’est qu’après trois semaines de retrait, et après avoir obtenu des engagements de la part du ministère de l’intérieur, que La Cimade acceptait de reprendre son intervention au CRA, tout en maintenant son appel au gouvernement à mettre un terme à sa politique répressive.

Parmi les engagements pris par le ministère, était faite la promesse d’examiner réellement les violations manifestes des droits que nous lui signalions ; trois mois plus tard, force est de constater que cette promesse n’a pas été tenue. Retour sur trois des derniers cas de déni de droits criant constatés par La Cimade.

Arrivé en France il y a plus de 10 ans, Abdelkader est marié à une Française et père de quatre enfants français. Il peut prétendre de plein droit à un titre de séjour pour résider régulièrement en France. En dépit des interpellations multiples de La Cimade au ministère de l’intérieur à son sujet, Abdelkader a été expulsé en Algérie le 16 octobre.

Un mois après, c’est au tour d’un autre parent d’enfant français d’être expulsé, cette fois vers le Congo. Joseph vit en France depuis l’âge de neuf ans. Son parcours a été semé d’embûches et de périodes d’errance. Condamné en 2019 à une courte peine de prison, Joseph espérait pouvoir reprendre sa vie en main à la fin de sa détention et se dédier complètement à sa vie de famille : avec sa compagne, ils attendaient la naissance de leur fille, née fin octobre. Cela ne fut pas le cas : la « double peine » pour les personnes étrangères n’est décidément pas morte. Quand bien même la loi protège sans ambiguïté contre une expulsion cette personne vivant en France depuis son jeune âge et aujourd’hui père d’enfant français, Joseph est d’abord enfermé pendant un mois et demi au CRA du Mesnil-Amelot, puis il est expulsé le 16 novembre, quelques jours après la naissance de sa fille.

Aboubacar, quant à lui, est venu en France avec sa compagne enceinte pour que leur fille à naître soit protégée du risque d’excision qu’elle eût encouru au Sénégal. Deux autres enfants sont nés par la suite en France et y sont toujours scolarisés. Depuis plus d’un an, Aboubacar et sa famille essayaient – sans succès, vu la mise à distance des personnes étrangères organisée par les préfectures – de prendre un rendez-vous à la préfecture de Bobigny afin de régulariser leur situation. Dans l’impossibilité physique d’obtenir son droit au séjour, Aboubacar a été interpellé sans titre de transport dans un bus. Le préfet l’a donc d’abord enfermé, puis expulsé, en estimant que le fait de ne pas payer un billet de bus constituait une « menace pour l’ordre public » !

Abdelkader, Joseph et Aboubacar ne sont que trois exemples des nombreux parents séparés de leur famille vivant en France et qui en ont été expulsés, alors que la loi était censée les protéger et leur permettre de bénéficier d’un titre de séjour.

Dans le même temps, les expulsions vers des pays en guerre et/ou où les violations des droits quotidiennes sont criantes, ont également repris : Afghanistan, Soudan, Iran, etc. Le gouvernement expulse en nombre sans la moindre considération des dangers auxquels il expose ces personnes.

Trois mois après le retrait de La Cimade du CRA du Mesnil-Amelot, le constat d’une politique nationale répressive est donc toujours aussi accablant. La violence institutionnelle qui s’abat sur des personnes dont la seule faute est celle de ne pas être Français.e.s bat son plein et s’apprête même à augmenter d’un cran. En effet, le débat aux relents xénophobes qui a caractérisé cette rentrée ne laisse en aucun cas envisager de marges d’amélioration. Dans le même temps, le gouvernement annonce que l’enfermement des personnes étrangères – et les violations des droits qui vont avec – va s’avérer encore plus massif dans les tous prochains mois. Tout comme les actes de désespoir que cela ne manquera pas de provoquer.

 

 

Photographie : Centre de rétention du Mesnil-Amelot, novembre 2017. © Yann Castanier | Hans Lucas

Auteur: Admin_Ile_de_France

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