Ecoutez-moi, j’ai quelque chose à dire.
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Malgré la multiplication des alertes citoyennes, associatives et institutionnelles sur la dématérialisation croissante et obligatoire des services publics, le gouvernement et les préfectures maintiennent leur cap et restent sourds à l’impossibilité d’accéder réellement à un rendez-vous par Internet dans de nombreuses préfectures.
Les files d’attente devant les services Étrangers des préfectures sont en voie de disparition. Ce qui ressemble à une excellente nouvelle est en fait un tour de passe-passe : en rendant obligatoire l’obtention d’un rendez-vous sur Internet avant tout accès au guichet, de nombreuses préfectures ont rendu invisible l’attente de milliers de personnes devant renouveler ou déposer une demande de titre de séjour.
Les personnes concernées sont prises au piège : la loi les oblige à détenir un titre de séjour et, le plus souvent, à se présenter en personne au guichet de la préfecture pour déposer leur dossier. Mais le préfet, qui représente pourtant l’État et veille donc à l’application de la loi, les empêche absolument d’accéder au guichet. Comment ? En rendant incontournable l’obtention d’un rendez-vous sur un site qui n’en délivre quasiment jamais.
Depuis presque quatre ans, La Cimade mesure grâce à un programme informatique l’accessibilité des divers sites préfectoraux de prise de rendez-vous : si chaque site était un vrai guichet, quel serait son taux d’ouverture au public ? 100% du temps, 50%, 3% ? Pour répondre, le programme teste régulièrement les sites préfectoraux et regarde si un rendez-vous est proposé. Il démontre ainsi que certaines préfectures sont championnes en matière de portes fermées, par exemple Bobigny, Montpellier, Créteil, Toulouse, Caen, etc.
Estelle et Diaby font partie de ces nombreuses personnes qui trouvent sans cesse porte close sur Internet, sans pouvoir se faire entendre de l’administration : ils ont accepté de témoigner pour sortir de l’invisibilité dans laquelle il et elle sont relégué·e·s.
Diaby témoigne de l’impossibilité d’accéder au guichet dématérialisé de la préfecture
Diaby souhaite déposer sa première demande de titre de séjour à la préfecture de Bobigny. Depuis un an il se heurte au mur numérique de la dématérialisation des guichets. Lorsqu’il se rend sur place on l’invite à aller sur le Internet et quand on lui propose d’écrire une lettre recommandée, il obtient la même réponse, mais toujours pas de rendez-vous disponible.
Témoignage d’Estelle, arrêtée par la police pour avoir diffusé une pétition sur la dématérialisation des guichets des préfectures
Estelle est doctorante, elle ne parvient pas depuis deux ans à obtenir un rendez-vous en préfecture (Nanterre puis Évry) pour renouveler son titre de séjour. Arrêtée par la police, enfermée au commissariat, elle a reçu une OQTF pour avoir diffusé sa pétition sur la dématérialisation des guichets dans la queue de la préfecture.
Les pouvoirs publics font la sourde oreille au désespoir des usager·e·s en dépit des alertes répétées. Depuis des années, La Cimade, avec ses partenaires, fait connaître aux préfectures et ministères les résultats de ses observations : pertes multiples de droits et d’emploi, précarisation sociale, mais aussi développement opportuniste de marchandisation des rendez-vous
En janvier 2019, le Défenseur des droits publiait un rapport au titre évocateur, Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics, qui recommandait notamment de toujours permettre également d’accéder au service public par d’autres biais, et attirait l’attention des pouvoirs publics sur les difficultés rencontrées par de nombreux usagers et usagères face à la dématérialisation.
Dix mois plus tard, tandis que rien ne change du côté des politiques publiques, La Cimade poursuite sa mobilisation : une cinquantaine de requêtes seront déposées mercredi 9 octobre auprès des tribunaux administratifs franciliens et un rassemblement interassociatif est organisé devant le tribunal de Montreuil. Hasard du calendrier significatif quant à l’ampleur nationale de la préoccupation au sujet de la dématérialisation, un rassemblement est également organisé le même jour devant la préfecture de Caen par les États généraux des migrations.
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