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La multiplication des violences et des tensions dans les centres de rétention administrative (CRA) est le résultat d’une politique d’enfermement des personnes migrantes. La responsabilité du gouvernement est engagée face aux conséquences gravissimes de ces choix.
Premier pays d’Europe en nombre d’enfermements de personnes migrantes pour tenter de les expulser, la France mène une politique de plus en plus répressive qui met gravement en danger les personnes qui subissent cette privation de liberté. Constatant des faits extrêmement graves, La Cimade demande au gouvernement de prendre des mesures fortes en urgence.
Être privé de liberté et menacé d’une expulsion constitue, en tant que tel, un traumatisme qui marque déjà chaque année 50 000 femmes, hommes ou enfants en France. Pourtant, depuis près d’un an, le gouvernement a résolument décidé d’utiliser ces lieux de privation de liberté de façon encore plus intensive.
Aujourd’hui, les centres de rétention administrative (CRA) craquent. D’abord parce qu’ils sont utilisés à pleine capacité ce qui les rend explosifs, en raison de la promiscuité et de l’addition des tensions. Ainsi, depuis le début de l’année 2018 et comparativement à 2017, le nombre de personnes enfermées a augmenté de 55 % à Rennes, 41 % à Toulouse, 20 % à Bordeaux ou encore de 30 % à Cayenne et en Guadeloupe.
La situation est aggravée par un manque de prise en compte sérieuse de la vulnérabilité des personnes, de leur éventuelle pathologie psychiatrique, ou de leurs antécédents. Ceci en amont de la décision préfectorale de « placement » en rétention, mais aussi tout au long des 45 jours de cette privation de liberté. Les unités médicales pallient comme elles peuvent cette carence, étant elles-mêmes soumises à une baisse tendancielle des effectifs, alors que les besoins médicaux explosent. La politique menée consiste à enfermer, et maintenir enfermé, en évitant coûte que coûte des libérations. Le nombre de personnes dont l’état est manifestement incompatible avec la rétention est en très forte augmentation.
Dans le même temps, les effectifs de police, déjà insuffisants, n’ont pas été renforcés en conséquence. Des syndicats de police indiquent que la sécurité de ces lieux est compromise. Certaines escortes vers les tribunaux où les personnes peuvent tenter de faire valoir leurs droits ne peuvent même plus être assurées. Des faits de violences policières sont rapportés, dans ce contexte qui peut en être une des causes.
Les tensions quotidiennes générées par cet enfermement dans un univers très carcéral, produisent sur les personnes des réactions d’autodéfense, réveillent des traumatismes et des angoisses profondes. Ainsi, agressions, insultes, actes auto-agressifs, sont de plus en plus fréquents.
Ces gestes de désespoir, actes ultimes de résistance, ou signes de pathologies psychiatriques graves, conduisent à des automutilations à l’aide de lames de rasoirs ou d’objets acérés. Même lorsqu’ils sont répétés, ces gestes extrêmes ne font que rarement l’objet d’une prise en charge psychiatrique. D’autres personnes se mettent en grève de la faim, comme cet homme, dont la fille handicapée réside en France, qui a cessé de s’alimenter pendant 45 jours pour protester contre son expulsion. Un autre homme s’est cousu la bouche au mois d’août après avoir déclaré « Je suis en train de mourir de l’intérieur ».
En moins d’un an, deux personnes ont mis fin à leurs jours dans ce contexte. D’abord à Marseille en décembre 2017 après une série d’autres tentatives de suicide. Puis le vendredi 21 septembre à Toulouse où un jeune homme de 30 ans s’est pendu dans sa chambre. Les cas de décès auraient pu être plus nombreux tant les tentatives de suicide se sont multipliées. Des personnes ont été sauvées par leurs camarades de chambre, ou des policiers.
Au regard de cette situation, l’enfermement dont l’objectif est de réaliser des expulsions, dont nombre sont abusives ou illégales, et qui conduit à des drames, doit être fondamentalement remis en question.
D’autres manifestations inhabituelles reflètent le degré de violence atteint au sein des CRA. À Bordeaux, le 6 septembre, des personnes provoquent une émeute dans le CRA situé au sous-sol du commissariat de police. Des portes sont détruites ainsi que les sanitaires, des distributeurs, des téléphones ou du matériel informatique. À Rennes, une révolte similaire va jusqu’à des tentatives d’incendie.
Par ailleurs, nombre de CRA sont marqués par des conditions matérielles indignes, en particulier des locaux extrêmement sales, faute de personnel suffisant pour assurer le nettoyage. Les déchets, la crasse incrustée dans les sols, des sanitaires très douteux forment aussi le quotidien des milliers de personnes enfermées.
L’absence de considération des plus vulnérables est également symptomatique de cette machine qui piétine leur dignité. Même les plus fragiles ne sont pas protégé·e·s. Des personnes victimes de la traite des êtres humains peuvent rencontrer de grandes difficultés à faire valoir leur droit à une protection. Le nombre d’enfants enfermé·e·s a explosé en 2017, et 2018 continue sur la même tendance, les nourrissons et leurs parents n’étant même pas épargnés. Ces derniers mois, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a déjà condamné la France à 6 reprises par le passé, a dû ordonner en urgence, à un gouvernement sourd aux associations et aux autorités administratives indépendantes de remettre des familles en liberté.
Enfin, ces événements particulièrement graves sont alimentés ou provoqués par des violations des droits répétées, de plus en plus assumées par les pouvoirs publics. La Cimade les a déjà largement dénoncées et quantifiées.
Mais les dernières observations révèlent des pratiques qui vont toujours plus loin, comme ces personnes expulsées de Guadeloupe ou d’autres départements après 10 à 20 ans de résidence en France. Des mineur·e·s isolé·e·s, comme Nakachia, pourtant âgée de 14 ans, dont l’âge est remis en question par l’administration et qui sont enfermé·e·s alors que la loi le prohibe. Des personnes renvoyées vers des pays à risque, directement ou via des pays européens qui s’en chargent, en particulier vers l’Afghanistan malgré la situation sur place. Des personnes qui frôlent l’expulsion, et finissent, à force de lutter, par obtenir le statut de réfugié·e en rétention après être passées par des zones d’attente dans les aéroports. Des expulsions exécutées alors qu’un recours déposé l’interdisait avant la décision d’un juge. Des pères ou des mères sont enfermé·e·s en rétention, contraint·e·s d’abandonner temporairement leur enfant à une tierce personne pour leur éviter cette privation de liberté, avec le risque d’être définitivement séparé de leur enfant. Des personnes évacuées de campements, comme celui de Grande-Synthe, qui sont davantage enfermées dans le but de les éloigner de leur habitat précaire, que du territoire français.
Dans ce contexte, qui n’est pas sans rappeler celui de juin 2008, période marquée par le décès d’un homme au CRA de Vincennes et d’un incendie qui l’avait détruit, le passage à une durée maximale de rétention de 45 à 90 jours, entraînera sans aucun doute une détérioration de cette situation.
La Cimade demande au gouvernement, dont la responsabilité est engagée face à cette situation grave, de prendre des mesures en urgence et de mettre fin à cette politique délétère.
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Photographie : Centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, novembre 2017. © Yann Castanier / Hans Lucas
Auteur: Service communication
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