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C’est en nous engageant dans cette résistance-là que nous préparerons le mieux la société dans laquelle nous voulons vivre autour de la solidarité et de la fraternité. Parce qu’il s’agit de la vie d’êtres humains. Parce qu’il s’agit de la cohésion sociale d’une nation dont le ciment ne peut être la négation et l’exclusion de l’autre. Parce qu’il s’agit, en définitive, de choisir le type de société que nous voulons, entre un pays qui se renferme sur ses peurs et un pays qui se mobilise pour chercher et trouver des solutions dignes de ses valeurs fondatrices.
Octobre 2016 : toujours plus de naufrages et de morts en Méditerranée, des murs « anti-migrants » sont érigés des pays des Balkans jusqu’à Calais, des milliers de personnes migrantes survivent dans des conditions inhumaines et désespérantes en attente d’un lieu pour vivre dignement. Triste bilan des politiques publiques européennes et françaises qui se laissent entraîner dans une surenchère sécuritaire, aveuglées par l’obsession de « l’appel d’air ». Le renforcement décidé par l’Union européenne des moyens de contrôle n’a permis ni de réduire les passages ni les morts. Et l’hécatombe serait encore plus importante si des ONG humanitaires ne se consacraient pas au sauvetage des vies. Les chemins sont plus dangereux, les passages plus onéreux, les réseaux de passeurs se renforcent, et la situation humanitaire se dégrade. Les témoignages recueillis font état de violences dramatiques. Étiquetés de façon sommaire comme demandeurs d’asile ou migrants économiques, la perspective est l’expulsion pour celles et ceux qui n’auraient pas les « bonnes » nationalités et la « bonne » raison d’être secourus.
Sans attendre une refonte indispensable, mais improbable à court terme, d’une politique commune européenne, la France peut se donner les moyens de faire plus et mieux. Elle peut ouvrir des voies légales d’immigration et sécuriser les parcours des personnes en demande de protection internationale en accordant plus de visas. En mobilisant les collectivités locales et la société civile, elle a les moyens de mettre en œuvre une politique d’accueil digne. Pour sortir de l’impasse désastreuse de Calais, elle doit négocier avec le Royaume-Uni pour que son territoire redevienne accessible plutôt que d’ériger de nouveaux murs de la honte. Pour permettre aux demandeurs d’asile de ne pas être bloqués, contre leur volonté, dans le premier pays où ils ont pu entrer, et éviter les situations d’errance de personnes privées de droits, elle peut décider de suspendre l’application du règlement Dublin. Tout cela est possible et réaliste.
Dans ce contexte, hyper-médiatisé, où les politiques sont incapables de porter un langage de vérité et de sens, les opinions publiques sont de plus en plus désorientées et divisées. Une partie exprime des élans de compassion et des gestes de solidarité, mais une autre éprouve des sentiments de peur ou, pire encore, se laisse convaincre que les personnes migrantes représentent un danger. Ceux qui usent de la stratégie de la peur de façon délibérée en utilisant toutes les ressources de l’intox, des mensonges et des amalgames gagnent malheureusement du terrain. Dans le climat politique actuel, propice aux surenchères, certains responsables politiques contribuent à une hystérisation du débat sur les migrations en favorisant le glissement sémantique étrangers-musulmans-terroristes, ou en déclenchant des campagnes de rejet contre l’accueil de quelques personnes dans leur commune ou leur région. Les risques d’aggravation des tensions xénophobes et des fractures sociales sont en passe de devenir des réalités et il est plus urgent que jamais d’en prendre conscience.
Si la responsabilité politique incombe à l’État, la responsabilité des citoyens est aussi interpellée pour résister à ces tendances dangereuses : en faisant pression sur les autorités publiques, en se mobilisant en faveur de l’accueil et du « vivre-ensemble » dans leur commune, dans leur quartier. De nombreuses municipalités, grandes et petites, se sont engagées dans une politique d’accueil, voire d’hospitalité. De multiples réseaux de solidarités, d’actions citoyennes d’accueil et d’accompagnement, de manifestations culturelles se sont créés. Par l’expérimentation d’une solidarité active sur le terrain, par l’échange et les rencontres, les barrières de la peur fondée sur l’ignorance des réalités humaines peuvent tomber.
Ne laissons pas cette dynamique s’essouffler. Au contraire, cultivons-la, consolidons-la en lui donnant plus de visibilité. Contre tous ceux qui prétendent « nous défendre » en construisant des murs physiques ou psychologiques entre « eux et nous », apportons la preuve que l’on peut construire ensemble des ponts, avancer ensemble, résister ensemble, que l’on soit d’ici ou d’ailleurs. Que nos différences ne nous divisent pas, mais nous enrichissent, que la confiance réciproque fonde une alliance plus solide et plus féconde que la méfiance, le repli et la haine.
C’est en nous engageant dans cette résistance-là que nous préparerons le mieux la société dans laquelle nous voulons vivre autour de la solidarité et de la fraternité. Parce qu’il s’agit de la vie d’êtres humains. Parce qu’il s’agit de la cohésion sociale d’une nation dont le ciment ne peut être la négation et l’exclusion de l’autre. Parce qu’il s’agit, en définitive, de choisir le type de société que nous voulons, entre un pays qui se renferme sur ses peurs et un pays qui se mobilise pour chercher et trouver des solutions dignes de ses valeurs fondatrices.
Par Geneviève Jacques, présidente de La Cimade et Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade
Tribune publiée dans le journal La Croix le 10 octobre 2016.
Photographie : © Sara Prestianni, Calais, décembre 2015.
Auteur: Service communication
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