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La Cimade est signataire de ce communauté inter associatif, l’accueil des enfants isolés étrangers nécessite des moyens, il ne saurait passer par l’exclusion du droit commun.
Action collective
La création d’un dispositif dérogatoire au droit commun pour les personnes étrangères n’est jamais une bonne nouvelle, a fortiori lorsqu’il vise des enfants.
Déjà, depuis 2013, et encore plus depuis la réforme législative de 2016, le droit commun de la protection de l’enfance est écorné par un dispositif spécifique aux enfants isolés étrangers organisant une évaluation a priori de leur minorité et de leur isolement et reléguant l’intervention de la justice à un second temps.
Si l’intention de départ était louable – assurer la protection de ces enfants dans le contexte de difficulté, voire de réticence de certains départements pour y répondre –, ce dispositif, en se focalisant sur l’évaluation, et non la présomption, de la minorité, et en retardant la prise en charge éducative, était vicié dès l’origine.
Dans la plupart des départements, cette étape d’évaluation de la minorité sert en réalité de variable d’ajustement : sans même parler des pratiques illégales de refus d’y procéder, de nombreux enfants sont aujourd’hui privés de toute prise en charge sur la seule base d’un entretien et d’examens contestables qui ont conclu à leur majorité.
Les annonces du Premier ministre devant l’Assemblée des départements de France le 20 octobre 2017 franchissent un pas de plus en prévoyant que l’État assumera désormais, à la place des départements, « l’évaluation et l’hébergement d’urgence des personnes se déclarant mineurs […] jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée ».
Ainsi, ces enfants, parce qu’étrangers, sont écartés pendant cette phase du dispositif de la protection de l’enfance pour basculer dans le régime du droit des étrangers.
Dès lors qu’ils seront accueillis dans des structures d’hébergement d’urgence le temps de l’examen de leur minorité, lequel peut durer plusieurs mois, tout porte à croire que sera retardé, sinon nié, l’accès aux droits dont relèvent pourtant ces mineur.e.s potentiel.le.s, à commencer par celui d’être scolarisé.e.s, pour ne pas parler des besoins éducatifs, psychologiques, sanitaires, de jeunes qui ont passé des mois sur les routes de l’exil…
À l’issue du processus d’évaluation, les jeunes dont la minorité sera confirmée pourront – enfin – bénéficier de la prise en charge due aux mineur.e.s isolé.e.s. Et les autres, estimés majeur.e.s ? Comme l’évaluation aura été menée par les services de l’État, c’est certainement sans délai que les préfectures seront informées du verdict, et procéderont à l’interpellation immédiate de ces jeunes, avec mesure d’éloignement et placement en rétention administrative.
L’étroite coordination des services de l’État renforce la précarité de la situation de ces jeunes dont certain.e.s, probablement, hésiteront à demander la protection à laquelle ils.elles peuvent prétendre, de crainte que, dans l’hypothèse où ils.elles seraient finalement déclaré.e.s majeur.e.s, ils.elles soient tout de suite expulsé.e.s sans pouvoir exercer leur droit au recours effectif, notamment en saisissant l’autorité judiciaire, ou être accompagné.e.s dans des démarches pour tenter d’obtenir la régularisation de leur situation administrative. Autant de jeunes livré.e.s à l’errance, aux abus et exploitations…
Le postulat selon lequel la plupart des jeunes réclamant une protection seraient des majeur.e.s, et que ce phénomène serait à l’origine d’une saturation du dispositif français d’aide sociale à l’enfance, est largement exagéré. Depuis longtemps déjà, les dispositifs de protection de l’enfance sont saturés, et les placements exécutés plusieurs mois seulement après leur prononcé dans de nombreux départements.
Que certains départements rencontrent des difficultés pour faire face à l’augmentation actuelle – toute relative cependant – du nombre de jeunes isolés à protéger est un fait.
Que la solution soit de les délester de ce qui relève de leur compétence sur la base de la nationalité de ces enfants est ségrégative.
Le caractère primordial de l’intérêt supérieur de l’enfant est un principe fondamental, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant, qui ne peut en aucun cas, comme le rappelle régulièrement le Défenseur des droits, être soumis aux politiques migratoires gouvernementales.
Avoir recours à un énième dispositif dérogatoire ne résoudra rien des difficultés que tous constatent. Ce ne sont pas de nouveaux groupes de travail et de nouvelles missions de réflexion dont les mineur.e.s isolé.e.s ont besoin, c’est du respect de leurs droits, un accès au juge et à une réelle prise en charge éducative. Pour tenir compte des disparités territoriales de la protection de l’enfance, augmenter significativement les capacités d’accueil et mettre en place des accompagnements éducatifs ambitieux pour tous les enfants, la solution n’est pas d’affranchir les départements d’une part de leur compétence, elle est de faire en sorte qu’ils aient les financements appropriés pour remplir leur mission.
L’accueil des enfants isolés étrangers nécessite des moyens, il ne saurait passer par l’exclusion du droit commun.
Associations signataires :
Auteur: Service communication
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