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La Cimade a cessé son intervention au CRA du Mesnil-Amelot

21 février 2025

Le 1er janvier 2025, La Cimade a définitivement cessé son intervention au CRA du Mesnil-Amelot, où jusqu’à 240 personnes étrangères menacées d’expulsion peuvent être enfermées simultanément. Depuis l’ouverture du centre en 2011, notre association y exerçait, dans le cadre d’un marché public, une mission d’aide à l’exercice effectif aux droits des personnes retenues.

A la suite de plusieurs retraits temporaires, en raison de la multiplication des atteintes aux droits et à la dignité humaine dans ce CRA, corrélées à une politique d’enfermement toujours plus répressive, la Cimade a pris la décision de mettre fin à cette intervention, ne pouvant plus remplir ses missions dans de bonnes conditions. Cela résulte notamment de l’évolution des pratiques de l’administration et d’une gestion de plus en plus carcérale du centre par la police aux frontières (PAF).

Des atteintes répétées aux droits des personnes enfermées

Ces dernières années, notre association a pu constater que les atteintes portées à la dignité des personnes retenues au regard des conditions matérielles d’enfermement se sont multipliées. Dans son rapport de visite publié le 01/10/2024, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) remarque que : « les conditions d’hébergement sont dégradées, l’hygiène insatisfaisante et l’alimentation insuffisante ».  La promiscuité, l’absence d’intimité, l’insalubrité des lieux sont exacerbées par la taille de ce méga CRA.

Les personnes retenues rencontrent des obstacles récurrents dans l’exercice de leurs droits : restrictions de circulation au sein du centre, absence d’accès libre aux bureaux de l’association, difficultés à accéder à leurs documents personnels, notamment médicaux. Ces entraves empêchent que la mission d’aide à l’exercice des droits puisse être remplie dans des conditions acceptables.

En outre, le recours massif et abusif à l’isolement par la PAF, dans des cellules exiguës, en dehors de tout cadre légal, impacte manifestement les droits et la dignité des personnes retenues. En parallèle, celles-ci témoignent que les conditions d’accès aux soins au sein du CRA sont a minima insuffisantes sinon défaillantes : difficultés d’accès à l’unité médicale, ruptures de traitement, annulation de nombreux rendez-vous médicaux du fait de sous-effectifs policiers, etc. La vulnérabilité des personnes souffrant de troubles psychiatriques est régulièrement ignorée par l’administration et ce malgré les conséquences dramatiques que l’enfermement peut provoquer.

Le 17 octobre 2024, une personne est décédée au sein du CRA du Mesnil-Amelot dans des circonstances encore incertaines.

Des pratiques abusives et illégales des préfectures et du ministère de l’Intérieur

Encouragées par la politique de criminalisation et d’expulsion assumée par l’Etat, les préfectures multiplient les pratiques abusives et illégales d’enfermement et d’expulsion des étrangers et ce en dépit de nos alertes régulières au ministère de l’Intérieur.

A cet égard, entre 2023 et 2024, au moins vingt personnes ont été expulsées illégalement depuis le seul CRA du Mesnil-Amelot, au mépris de l’Etat de droit.

Par ailleurs, la notion de « menace à l’ordre public », utilisée à outrance par l’administration, justifie désormais l’enfermement de toute personne étrangère sans considération de sa situation personnelle. Enfin, l’administration enferme et expulse des personnes au mépris du risque d’atteinte à leur vie et de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d’origine : ressortissants soudanais, afghans, syriens ou encore haïtiens, ainsi que des personnes disposant d’une protection internationale octroyée par la France.

Les personnes retenues, des justiciables de seconde zone ?

Depuis 2013, une annexe du tribunal judiciaire de Meaux est installée dans l’enceinte du CRA du Mesnil-Amelot, une situation jusqu’à ce jour unique en France. Ce dispositif exceptionnel menace la publicité des débats et empêche tout regard extérieur lors des audiences. Les personnes retenues sont escortées à l’annexe par les mêmes agents de la PAF qui les surveillent au CRA, au mépris de tout respect de la confidentialité.

Le recours à la justice d’exception à l’égard des personnes s’accentue encore avec la mise en place récente des audiences en visioconférence pour la Cour d’appel de Paris et les tribunaux administratifs. D’un côté de l’écran se trouvent le magistrat, les avocats et interprètes ; de l’autre, la personne retenue, surveillée par les agents de la PAF.

A plusieurs égards, le CRA du Mesnil Amelot cristallise ainsi la dérive répressive des politiques migratoires. Face à une multiplication des abus, violations de droits et pratiques illégales, La Cimade appelle au respect de l’état de droit, des droits fondamentaux et de la dignité de toutes et tous. Et à un changement des politiques migratoires, pour sortir du seul triptyque stigmatiser/ enfermer/expulser ; en finir avec l’existence des lieux d’enfermement des personnes étrangères, construire des politiques migratoires basées sur l’égalité des droits, l’accueil et la solidarité.

 

La Cimade a simultanément publié une tribune dans Le Monde dont le contenu vise à mettre en lumière plus largement le positionnement de La Cimade sur la rétention et souligner l’importance de la liberté d’expression et de témoignage de la société civile dans les CRA. 

LIRE LA TRIBUNE

Auteur: Service communication

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