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Proposition de révision du concept de « pays tiers sûr » : une nouvelle proposition cynique de la Commission européenne

4 juin 2025

La Commission européenne continue de céder du terrain aux Etats-membres dans leurs velléités d’externalisation du droit d’asile en publiant la semaine dernière, une proposition de règlement afin de réviser le concept de pays tiers sûr. 

La Commission européenne continue de céder du terrain aux Etats-membres dans leurs velléités d’externalisation du droit d’asile en publiant fin mai, une proposition de règlement afin de réviser le concept de pays tiers sûr.

Le concept de « pays tiers sûr » est inscrit dans le Règlement UE 2024/1348 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE (Règlement Procédure) du Pacte européen migration et asile, adopté en 2024 et qui rentrera en vigueur en juin 2026. C’est un motif d’irrecevabilité de la demande d’asile : il permet aux États membres de rejeter une demande d’asile sans l’examiner si la personne a la possibilité de « recevoir une protection effective » dans un pays tiers – c’est-à-dire hors de l’Union européenne. Lorsque le Règlement Procédure a été adopté en 2024, le concept de pays tiers sûr ne pouvait être appliqué que s’il existait « un lien de connexion entre le demandeur et le pays tiers, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays »[1]. Le lien de connexion n’est pas strictement défini dans ce texte mais peut inclure un séjour préalable à la demande d’asile dans un pays tiers où la présence de membres de la famille dans ce pays – des critères déjà vastes pour justifier l’expulsion d’une personne vers un pays tiers.

La nouvelle proposition de révision du concept de pays tiers sûr s’inscrit dans la logique du Pacte européen asile et migration, réduire toujours plus le nombres de personnes réfugiées en Europe au moyen de procédures au rabais et d’externalisation du droit d’asile :

  • Le lien de connexion entre la personne en demande d’asile et le pays tiers sûr ne serait plus obligatoire – c’est au bon vouloir des Etats-membres de l’inclure, ou non, dans leur droit national. Une personne pourrait donc être renvoyée vers un pays où elle n’a jamais mis les pieds, sans aucuns liens sur place, uniquement ou un Etat-membre jugerait ce pays « sûr ».
  • Le caractère suspensif du recours ne serait plus automatique contre une décision d’irrecevabilité de la demande d’asile en vertu du concept de pays tiers sûr. Les personnes peuvent donc être expulsées vers un « pays tiers sûr » en l’attente du jugement d’appel. Elles devraient donc faire appel de la décision d’irrecevabilité de leur demande d’asile et demander à rester sur le territoire en l’attente d’un jugement.

Dans la proposition de refonte de la Commission, la volonté de circonscrire le droit d’asile est assumée : enlever le critère de connexion la personne demandant l’asile et un pays tiers permettrait d’appliquer le concept de pays tiers sûr à plus de personnes en demande d’asile. En sus, la proposition [2], qui n’auraient plus à prouver le lien de connexion entre la personne en demande d’asile et le pays tiers. La Cimade dénonce cet argumentaire cynique, de plus en plus courant pour la Commission et les Etats-membres, où « l’efficience administrative » prévaut sur les droits humains.

La Cimade alerte une nouvelle fois sur la dangerosité du concept de pays tiers sûr en termes de respect des droits fondamentaux des personnes étrangères[3]. Plus précisément en termes de protection internationale, l’Union européenne et ses Etats-membres ne peuvent pas se défausser de leurs engagements internationaux et se doivent d’étudier l’ensemble des demandes d’asiles qui leur sont faites, sans renvoyer les personnes vers d’autres Etats. L’obligation d’étudier au fond toute demande d’asile est d’ailleurs inscrite dans la constitution française, ce qui rend le concept de « pays tiers sûr » inconstitutionnel en France[4]. Il est temps de changer de paradigme et de penser enfin à l’accueil, à la solidarité et à une véritable coopération internationale, au bénéfice de tous.tes.

 

Pour aller plus loin sur les positions de La Cimade sur les questions d’asile, c’est par ici.

[1] RÈGLEMENT (UE) 2024/1348 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE

[2]  COM 2025/259 p.3

[3] https://www.lacimade.org/presse/nouvelle-approche-commune-de-lue-en-matiere-de-retours-risques-et-violations-des-droits-humains/

[4] https://www.gisti.org/spip.php?article5957

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Auteur: Pôle Europe et International

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