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Fiche-réflexe : assignations à résidence – expulsion

5 mars 2019

Cette fiche apporte des éléments d’identification et de compréhension de l’assignation à résidence comme mesure d’expulsion. Elle permet d’en comprendre les principaux enjeux et de permettre une meilleure information et orientation des personnes sous le coup de telles mesures.

Qu’est-ce qu’une assignation à résidence ?

L’assignation à résidence « 45 jours » est une mesure de restriction de liberté et de surveillance exercée contre une personne étrangère en vue de l’expulser du territoire français et pour qui il existe une perspective d’éloignement. Prévue à l’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour en France des personnes étrangères – CESEDA, cette mesure emporte des obligations mais aussi des droits pour la personne étrangère visée.

Qui est concerné∙e et pour combien de temps ?

A l’exception des demandeur∙se∙s d’asile (voir ci-dessous), l’assignation à résidence est nécessairement fondée sur une mesure d’éloignement. L’assignation à résidence est prononcée soit de manière concomitante à cette mesure, soit postérieurement à celle-ci.

Les cas les plus fréquents sont :

  • Les personnes sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) datée de moins de moins de trois ans ;
  • Les personnes faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
  • Les personnes frappées par une peine d’interdiction du territoire français (ITF).

→ La durée maximale totale de cette assignation à résidence est de 135 jours (45 jours x 3).

Les demandeur∙se∙s d’asile peuvent également être soumis∙e∙s à une mesure d’assignation à résidence, et ce en l’absence de mesure d’éloignement.

Tel peut être le cas pour :

  • Les personnes « dublinées », pour lesquelles la France estime que c’est un autre Etat européen qui est responsable de la demande d’asile. Elles peuvent être assignées à résidence avant même que l’autre pays accepte formellement sa responsabilité.

→ La durée maximale totale de l’assignation à résidence « Dublin » est de 180 jours (45 jours x 4).

  • Les demandeu∙ses∙ d’asile dont le comportement constitue une « menace pour l’ordre public » ;
  • Les demandeu∙ses∙ d’asile qui présentent leur demande de protection à une autorité autre que la SPADA.

→ Pour ces deux dernières catégories de personnes, un décret d’application viendra en préciser les modalités.

Quelles obligations pour la personne sous assignation à résidence ?

  • Remise du passeport ou tout autre document d’identité/de voyage à la police ou la gendarmerie – ce qui facilite l’expulsion, puisque la préfecture n’a plus que l’avion à réserver.

Il est possible pour l’administration, avec le concours des forces de l’ordre, et sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), de procéder à la recherche et à la retenue, au sein du lieu d’assignation à résidence, de documents attestant de la nationalité de la personne.

  • Astreinte à résider dans un lieu désigné (un domicile personnel, un centre d’hébergement, un hôtel) ;
  • La préfecture peut exiger que la personne ne sorte pas du lieu d’assignation pendant un créneau spécifique. La loi limite cette contrainte à une plage horaire de 3 heures consécutives maximum par jour – et de 10 heures si la personne fait l’objet d’une peine d’interdiction de territoire français (ITF), d’un arrêté d’expulsion, d’une interdiction administrative du territoire (IAT) ou si son comportement constitue une « menace pour l’ordre public ». La durée de la plage horaire donnée doit tenir compte d’impératifs liés à la vie privée et familiale de la personne.
  • Interdiction de sortir d’un périmètre donné sans autorisation écrite de la préfecture ;
  • Obligation de « pointage » périodique, parfois quotidienne, au commissariat ou en gendarmerie – y compris les weekends ou jours fériés – pour signer un registre tenu par les forces de l’ordre ;
  • Obligation de coopérer dans la mise en œuvre de l’expulsion : Par exemple, si la personne n’a pas de passeport, la préfecture prend rendez-vous au consulat de son pays pour identification et délivrance d’un laissez-passer. Si la préfecture le demande, la personne est tenue de se rendre à ce rendez-vous consulaire.

Pour les personnes faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français (ITF) ou d’une interdiction administrative du territoire français, elles peuvent être assignées à résidence à leurs frais dans des lieux choisis par l’administration sur l’ensemble du territoire.

Les personnes faisant l’objet d’une assignation à résidence « 45 jours » ne sont pas placées sous surveillance électronique mobile (contrairement à d’autres types d’assignations à résidence pour des profils spécifiques).

  • En cas de comportement constitutif d’une « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », l’administration peut faire conduire la personne de force vers le lieu d’assignation à résidence.

Quels droits pour la personne sous assignation à résidence ?

  • Droit de recevoir une information, dans une langue comprise des obligations qui découlent de l’assignation à résidence et les droits dont elle dispose – au moyen d’un formulaire écrit ;
  • Droit de recevoir un récépissé qui vaut justificatif d’identité si elle a remis un passeport à la police ou la gendarmerie ;
  • Droit de faire un recours contre l’AAR (et la mesure d’expulsion le cas échéant) devant le tribunal administratif (TA) dans un délai de 48 heures (voir modèle dans la fiche) ;

Attention : le délai de recours sera prochainement allongé à 7 jours avec un décret issu de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 qui doit intervenir au plus tard le 1er août 2024.

Les textes ne prévoient pas de recours pour les demandeur∙se∙s d’asile assignées à résidence au motif du dépôt d’une demande à une autorité autre que la SPADA.

  • Droit d’informer la préfecture de tout changement dans sa situation personnelle susceptible de conduire l’administration à mettre fin à l’assignation à résidence ou à annuler la mesure d’expulsion ;
  • Droit d’être informée des étapes dans l’organisation de l’expulsion par la préfecture (date de rendez-vous au consulat, réservation d’un vol, etc.) ;
  • Droit de ne pas être interpellée à son domicile sans autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention – JLD (cf. fiche réflexe « interpellations à domicile » sur le site de La Cimade). Cette ordonnance doit être notifiée à la personne dans une langue qu’elle comprend ;
  • Droit de solliciter, si elle le souhaite, une aide au retour (aide financière versée par l’Office de l’immigration – OFII).

Quels risques en cas de non-respect des obligations de l’assignation à résidence ?

Si la personne ne respecte pas ses obligations (par exemple, si elle n’honore pas l’un de ses pointages, quitte son département sans autorisation ou refuse de se rendre à un rendez-vous au consulat sans motif légitime) :

⇨ L’administration a la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) pour faire constater l’éventuelle « obstruction volontaire » que présente la personne à l’exécution de l’expulsion, ce qui permet une interpellation à domicile en vue de :

  • Conduire la personne directement à l’aéroport si l’expulsion est immédiatement exécutable ;
  • La placer en centre de rétention administrative en vue de l’exécution de l’expulsion à venir ;
  • La conduire de force à son consulat en vue de la délivrance d’un laissez-passer consulaire afin de mettre en œuvre l’expulsion.

⇨ Elle peut être poursuivie et condamnée, le cas échéant, à de la prison ferme (jusqu’à 3 ans), à une amende (jusqu’à 15 000 euros d’amende) et à une peine d’interdiction du territoire français (ITF).

Quelle articulation entre une assignation à résidence et un placement en centre de rétention administrative ?

Présentée comme une « alternative » à la rétention, l’AAR fait en réalité partie d’une « boîte à outils » dans laquelle la préfecture puise indifféremment pour effectuer les expulsions.

  • Une personne peut être enfermée dans un centre de rétention administrative (CRA) durant ou à l’issue de son assignation à résidence.

Certaines préfectures enferment la personne la veille d’un départ programmé par avion, parce que le domicile est éloigné de l’aéroport ; et ce alors que la personne respectait scrupuleusement ses obligations dans le cadre de l’assignation à résidence. Cette pratique, illégale s’il n’est pas démontré que la personne présente un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement ou que des faits nouveaux ont pour effet de troubler l’ordre public, facilite ainsi la tâche de l’administration pour exécuter l’expulsion (« placement de confort ») et caractérise aussi une stratégie d’évitement de la justice – puisque la personne est expulsée avant la réponse du juge des libertés et de la détention (JLD) sur son recours. Les personnes dublinées, notamment les familles, font régulièrement l’objet de tels « placements de confort ».

  • A l’issue de la période maximale d’enfermement au CRA (90 jours), ou à l’issue d’une libération ordonnée par un juge pendant la rétention, la préfecture peut aussi décider d’assigner à résidence la personne au lieu de la remettre totalement en liberté, pour continuer la procédure d’expulsion en la gardant sous surveillance.
  • Lorsque la préfecture demande une prolongation de l’enfermement de la personne au juge des libertés et de la détention (JLD), ce dernier peut ordonner une assignation à résidence si les conditions sont remplies (adresse affectée à l’habitation principale, remise de document de voyage à la police, acceptation de l’expulsion). Les droits et obligations restent les mêmes pour cette assignation à résidence. Cependant la durée de cette assignation à résidence judiciaire est la même que la durée de prolongation sollicitée par le ou la préfèt∙e.

Quels conseils donner à la personne assignée à résidence ?

  • Fournir à la personne une information précise et complète sur ses droits, ses obligations et sur ce qu’elle risque, pour qu’elle puisse décider de ses actes en connaissance de cause.
  • Toujours informer la préfecture d’un changement de circonstances ou de tout évènement qui empêcherait la personne de respecter une obligation (ex : un rendez-vous médical qui fait qu’elle ne pourra pas aller pointer à telle date) ; pour éviter le risque de poursuites pénales pour « soustraction ».

Pour être aidé⋅e, la personne peut se rapprocher d’une permanence des avocat‧e‧s, d’un point d’accès au droit ou d’une association d’aide aux personnes étrangères. (Cf. adresses de nos permanences régionales sur notre site internet)

Découvrir les autres fiches-réflexe de La Cimade :

 

Télécharger la fiche-réflexe AAR ci-dessous (mise à jour mai 2021).

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Auteur: Service communication

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