Vers un nouveau schéma national d’accueil : orientations directives et refus des conditions matérielles d’accueil
Orientations directives L’article 2 de l’arrêté du 13 mai 2022 a fixé la part de chaque région ...
Les Dublinés sont devenus un part importante des demandeurs et demandeuses d’asile mais les données fournies par le ministre de l’intérieur les concernant sont rares; Analyse de celles-ci en cartes
Alors que le règlement Dublin de 2013 s’apprête à être remplacé en 2026 par un autre, encore plus dur, il est difficile à en évaluer l’impact en France. Depuis 2015, le nombre et la part des Dubliné·e·s ont fortement augmenté, bouleversant le système d’asile et le dispositif d’accueil. Pourtant, à part des données globales ou celles plus détaillées par Etat-membre publiées sur Eurostat, il est difficile d’obtenir des statistiques du ministère de l’intérieur les concernant.
Dès 2006, la Cimade a sollicité auprès du ministère de l’intérieur des statistiques des données qui lui étaient alors communiquées sans difficulté. A partir de 2018, ses demandes ont fait l’objet de refus implicites de communication, réitérés après avis de la CADA. Il a fallu saisir le tribunal administratif de Paris de requêtes contentieuses pour tenter de les obtenir . Un premier jugement du 14 octobre 2021 a annulé le refus pour des statistiques de 2017 et de 2018 car le tribunal a considéré que ces statistiques étaient communicables à toute personne et ne représentaient pas une charge déraisonnable pour l’administration. Le ministère n’a pas entièrement communiqué les données, et enexécution, la communication de données par nationalités, des constats de fuite et des requalifications après la procédure Dublin a été jugée par le même tribunal comme en constituant une (un pourvoi est en cours;
Les mêmes demandes ont été formulées pour les années 2019 à 2021 et une même réponse insatisfaisante a été fournie en octobre 2022. Dans un troisième jugement du 24 juin 2024, le tribunal administratif a de nouveau annulé le refus du ministre de communiquer le nombre de décisions de transferts et des constats de fuite pour les années 2019 à 2021 dans un délai de trois mois. Avec un peu de retard et après une demande d’exécution, les données ont été transmises à la Cimade par le ministère, ce qui est une première pour ce qui concerne les prolongations pour fuite, les requalifications et les données par nationalités. ,Des données relatives aux enregistrements, aux étapes de la procédure et aux transferts avaient été communiquées au fur et à mesure de ces litiges , de 2016 à 2023.
On peut enfin cartographier l’application du règlement Dublin par les préfectures.
L’application du règlement Dublin vers d’autres Etats membres n’est pas traité dans cette page. Voir les données pour 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 , 2022 et 2023
Selon le ministère de l’intérieur, depuis 2016 , à peu près 290 000 demandes ont été enregistrées comme Dublinées, soit environ 32% du total. 2019 marque un premier pic avec 46397 demandes avant une décrue en 2020 liée à la fermeture des frontières. Depuis le nombre d’enregistrements augmente régulièrement pour atteindre 47 483 en 2023.
L’Ile de France est, depuis 2016, la première région où les Dubliné·e·s sont enregistrée·s. Elle représente en moyenne 50% du total des enregistrements de ce type; D’un point de vue chronologique, la part des Dublinés dans le total des demandes n’a cessé de croitre en Ile de France entre 2017 et 2021 jusqu’à représenter 56%. Depuis 2022, elle diminue pour atteindre 43% des demandes.
Il y a donc une relative dispersion des demandeurs dublinés, en partie par les évacuations des campements franciliens puis par les orientations directives du schéma national d’accueil. Si en 2016, les Hauts de France et en particulier le Pas de Calais étaient en pointe, des régions comme les Pays de la Loire ont connu une nette augmentation.
Depuis octobre 2018, le ministère de l’intérieur a mis en place par une circulaire un pôle régional Dublin (PRD) par région à l’exception de l’Ile de France et de la Corse. Cependant dans la région francilienne, le préfet délégué à l’immigration auprès du préfet de police qui est compétent pour l’exécution des décisions de transfert prises par les autres préfets de la région a mis en place à la demande du ministre de l’intérieur et à titre expérimental, un pôle interdépartemental qui a les mêmes missions pour quatre départements : après l’enregistrement, saisir l’Etat-membre responsable, renouveler les attestations des demandeurs d’asile, édicter les décisions de transferts, les défendre au contentieux et exécuter la mesure, en assignant à résidence ou en plaçant en rétention les demandeurs. Ces pôles spécialisés sont donc censés améliorer l’efficacité des procédures et le taux de transfert qui est devenu un indicateur de performance de la loi de finances.
Cinq années après leur complet déploiement dans les régions concernées, le bilan est mitigé.
Les PRD fonctionnent dans la phase dite de détermination, à savoir saisir l’Etat-membre jugé responsable et édicter des décisions de transfert.
En ce qui concerne l’hébergement, la circulaire de juillet 2018 préconisait d’héberger les Dublinés à proximité des pôles. le croisement des données du ministère de l’intérieur et de celles de l’Ofii pour l’année 2022 montrent d’une part qu’une proportion faible de Dublinés est hébergée et d’autre part, que ces hébergements ne sont toujours à proximité des PRD
La réforme des PRD a significativement augmenté le taux de transfert mais de façon inégale. Les très bons élèves sont le Bas Rhin (38,6% sur la période 2019-2023) le Doubs,(37%) et le Nord ou le Loiret (27,%). En revanche, le taux de transfert est très faible pour les Bouches-du-Rhône (12,2%) , le Maine-et-Loire (13,7%) ou le Rhône (16,4%).
Que deviennent les 85 000 personnes qui n’ont pas été transférées? Le règlement Dublin est enserré dans des délais précis : si la personne n’a pas été transférée dans le délai de six mois après la réponse de l’Etat-membre (ou de la notification du jugement en cas de recours), la France devient responsable de l’examen de sa demande. Ce délai est allongé d’un an, en cas de fuite.
Jusqu’en 2016, le ministère communiquait des données relatives aux constats de fuite, qui étaient relativement peu nombreux. Puis ce fut le black-out, avec des arguties au contentieux pour ne pas les communiquer. Pour la période 2019-2021, le ministère de l’intérieur vient de mettre un terme à celles-ci. Au cours de cette période, 33 682 prolongations du délai de transfert pour fuite ont été effectuées soit un tiers des enregistrements au cours de la même période.
La répartition de ces prolongation réserve des surprises : selon ces données, c’est la préfecture du Maine-et-Loire, compétente pour les demandeurs domiciliés dans la région Pays-de-la-Loire, chère au nouveau ministre de l’intérieur, qui ont le plus systématiquement mis en oeuvre cette prolongation (8 512 soit le double des enregistrements!), la préfecture du Nord est deuxième avec 3 574 prolongations. En Ile-de-France, la préfecture des Yvelines se distingue également par un nombre important de prolongation pour fuite (2 998) car elle reprochait en 2019 aux demandeurs de ne pas présenter à des convocations qu’elle n’avait pas émises! A l’inverse, Paris pourtant la préfecture enregistrant le plus grand nombre de Dublinés, n’aurait mis en oeuvre cette prolongation que pour 276 personnes (ce qui pourrait être une donnée erronée).
La conséquence de ces prolongations est la coupure systématique des conditions matérielles d’accueil par l’OFII, qui, contre l’évidence, prétend ne pas disposer de statistiques sur les refus. Néanmoins, on peut estimer qu’un tiers des refus ou retraits du bénéfice de ces conditions est lié à ces constats de fuite.
Le ministère a également transmis des données relatives aux requalifications qui au cours de la période de 2019 à 2021 ont été au nombre de 72 053, soit 85% des sorts connus : à l’exception du Grand-Est et du Doubs où un tiers des personnes ont été transférées , la part des requalifiés est écrasante.
Pour la première fois, on dispose de données par nationalités. Sans surprise, c’est l’Afghanistan qui est la première nationalité avec près de 15 000 personnes dont on connait le sort, suivi de la Guinée, du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et de la Somalie. Les nationalités les plus transférées sont les pays des Balkans et aussi le Koweit (à Calais) .
Qu’advient-il de ces requalifiés? le ministre a transmis pour la première fois, les motifs des procédures accélérées est la surprise est qu’en sus des dix cas prévus par la loi, trois motifs sont liés à la fin d’une procédure Dublin : quand la préfecture applique la clause discrétionnaire prévue par le règlement ou lorsque l’Etat-membre connait des failles systémiques de son dispositif (article 3§2) et enfin après l’échec d’un transfert. En outre l’importance des procédures pour « fraude » et pour « demande tardive » laisse penser que ce sont des anciens Dublinés qui font l’objet de ces procédures.
En comptant la procédure de détermination, une procédure Dublin ne peut donc pas durer plus de deux années (sauf de très rares exceptions).La procédure de transition entre Dublin et OFPRA s’appelle requalification. Pour ce faire, la personne doit se présenter de nouveau dans une préfecture pour se voir délivrer une attestation de demande d’asile « procédure normale » ou « procédure accélérée »et le formulaire de l’OFPRA. Dans la pratique, il est exigé de retourner dans la préfecture qui a mis en oeuvre la procédure Dublin (alors qu’en droit toute préfecture est compétente);
Le ministère de l’intérieur en donne un ordre de grandeur chaque année en distinguant les « requalifications dans l »année de l’enregistrement et les ‘requalifications des années précédentes qui sont mélangées avec les réinstallations, les demandes en rétention, ce qui rend imprécis le calcul.
Selon ces données, sur plus de 290 000 demandes enregistrées de 2016 à 2023, 184 000 ont été requalifiées et 25 000 transférées. Sachant qu’il y avait environ 10 000 Dublinés à la fin de l’année 2015, le nombre théorique de Dublinés en cours d’instance serait de 91 000 à la fin de l’année 2023!
Ce chiffre n’est pas cohérent avec la durée maximale d’une procédure Dublin. En postulant que seules les demandes en cours à la fin des années n et n-1 font l’objet d’une « requalification », on arrive à un révision radicale du nombre puisque le nombre de Dublinés à la fin de l’année 2023 n’est plus que de 50 000.
Qu’est il advenu aux 41 000 autres personnes? Une partie est allée dans d’autres Etats-membres pour solliciter l’asile et le cas échéant, est revenue par des transferts vers la France quand sa responsabilité est établie. Une autre n’a pas reformulé de demande d’asile après l’expiration du délai de transfert sans doute en raison d’un constat de fuite qui l’ a déconnectée de la procédure et vit en France ou dans un autre pays. Ce sont les « égarés » de la procédure qui théoriquement pourrait solliciter l’asile en France.
Pour la première fois depuis 2020, le nombre de demandes enregistrées en 2024 est inférieur à celles des demandes introduites à l’OFPRA, signe d’un plus grand nombre de requalifications, notamment de personnes arrivées par l’Italie qui n’y sont plus transférées depuis décembre 2022, par décision unilatérale du gouvernement Meloni.
Avoir des données plus précises sur les Dublinés est donc un enjeu important pour l’ensemble du système d’asile. Le ministère de l’intérieur est en mesure de les produire et de les publier.
Auteur: Responsable national Asile
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