Appel à mobilisation: Journée internationale des Migrantes et Migrants
Le 18 décembre – Journée internationale des Migrantes et Migrants – Plus de 230 ...
Depuis 2015, le nombre de Dubliné·e·s a fortement augmenté en France, bouleversant le système d’asile et le dispositif d’accueil. Pourtant, à part des données globales ou celles plus détaillées par Etat-membre publiées sur Eurostat, il est difficile d’obtenir des statistiques du ministère de l’intérieur ou de l’OFII les concernant. […]
Depuis 2015, le nombre de Dubliné·e·s a fortement augmenté en France, bouleversant le système d’asile et le dispositif d’accueil. Pourtant, à part des données globales ou celles plus détaillées par Etat-membre publiées sur Eurostat, il est difficile d’obtenir des statistiques du ministère de l’intérieur ou de l’OFII les concernant. Après une longue attente, le ministère de l’intérieur vient d’adresser des données partielles à la Cimade qui permettent de faire une cartographie régionale de l’application de ce règlement.
mise à jour : juin 2023
Parce que les personnes ne peuvent introduire immédiatement une demande à l’OFPRA, les statistiques relatives aux Dublinés ont longtemps été imprécises. Depuis 2008, Eurostat demande aux Etats de fournir des statistiques concernant les procédures de saisines, des décisions et des transferts qui ne correspondent pas à des personnes (depuis 2021, Eurostat permet de détailler le sexe et si la personne est un demandeur d’asile adulte, un mineur accompagnant ou non accompagné mais la France n’a pas fourni ces données). A la faveur de la mise en place des guichets uniques des demandeurs d’asile en 2015, le ministère de l’intérieur a commencé à les compter mais le traitement AGDREF (qui n’a jamais été modifié pour tenir compte de ces demandeurs) ne permettait pas de faire des statistiques fiables et ce sont des estimations qui ont été publiées dans les bilans biannuels publiés sur le site de la DGEF . Si pour les années 2016 à 2018, ces données détaillaient un peu la procédure utilisée en distinguant les demandes de réexamen et les mineurs, depuis juin 2020, le ministère ne l’a plus fait que globalement et pour la situation des personnes au 31 décembre de l’année : une partie des personnes Dublinées enregistrées ont été requalifiées (c’est à dire ont pu accéder à la procédure OFPRA) : Ainsi en janvier 2022, le ministère compte 23 682 Dubliné·e·s (mineurs compris) tout en indiquant 30 223 ont été enregistrées selon cette procédure soit une différence de 6 541. Les requalifications qui sont indiquées dans un tableur d’Eurotat sont au nombre de 4 359 en 2021; On ne peut pas non plus faire une banale soustraction entre les demandes enregistrées en GUDA et celles introduites à l’OFPRA puisqu’une partie de ces dernières sont celles des requalifiées.
C’est pourquoi la Cimade a sollicité auprès du ministère de l’intérieur des statistiques un peu plus précises par nationalité (pour comparer avec les données Eurostat) et par préfecture pour les enregistrements, les étapes de la procédure (saisine, accords, transferts) et le nombre de fuite. Alors qu’elles étaient communiquées sans difficulté auparavant, depuis 2018, elles font l’objet d’un refus implicite de communication et il faut passer, après un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs, par un litige au tribunal administratif . Ainsi le 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé le refus du ministère de communiquer des statistiques ainsi détaillées pour l’année 2018 (voir jugement) en considérant que ces statistiques étaient communicables à toute personne et ne représentaient pas une charge déraisonnable pour l’administration. Ce jugement n’a pas encore été pleinement exécuté. Une demande complémentaire pour les années 2019 à 2021 a été faite en décembre 2021. Des données ont été communiquées à la Cimade en mai (pour les années 2017 et 2018) et en octobre (pour 2019 à 2021) par régions (alors qu’en Ile de France toutes les préfectures sont compétentes). Le ministère affirme qu’il ne peut pas fournir les données relatives aux enregistrements, aux décisions de transferts et aux fuites, alors qu’il dispose par plusieurs traitements (ANAIS, DNA) de chiffres précis. De même, l’OFII qui délivre les conditions matérielles d’accueil se dit incapable de fournir des données relatives aux refus des ces conditions en raison d’une fuite, malgré plusieurs demandes. Le constat de fuite et la date de refus ou retrait figurent pourtant parmi les données saisies dans son traitement DNA-NG.
L’application du règlement Dublin vers d’autres Etats n’est pas traité dans cette page. Voir les données pour 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022
Pour mieux comprendre les termes utilisés voir la page dédié aux Dubliné·e·s
Malgré cette absence de transparence, on peut esquisser quelques grandes tendances.
Selon le ministère de l’intérieur, depuis 2018, à peu près 210 000 premières demandes ont été enregistrées comme Dublinées, soit environ 30% du total. Le nombre a été plus important en 2018 et 2019, (autour de 45 000) puis connait une baisse en 2020 et 2021 (autour de 31 000) et une remontée modérée autour de 36 000.
L’Ile de France est depuis 2016 la première région où les Dubliné·e·s sont enregistrée·s. Elle représente en moyenne 46% du total avec un pic en 2019 (51%) et une légère baisse en 2021 (44%), sans doute liée à la mise en place du schéma national d’accueil qui prévoit l’orientation des personnes vers d’autres régions. Elle est suivie du Grand Est et de l’Auvergne Rhône Alpes equi échangent leur rang, des Hauts de France puis de la Provence Alpes Côte d’Azur qui avait une part plus importante en 2017-2018.
Depuis octobre 2018, le ministère a mis en place par une circulaire un pôle régional Dublin (PRD) par région à l’exception de l’Ile de France et de la Corse. Cependant dans la région francilienne, le préfet délégué à l’immigration auprès du préfet de police qui est compétent pour l’exécution des décisions de transfert prises par les autres préfets de la région a mis en place (incompétemment) un pôle interdépartemental qui a les mêmes missions.
Les données fournies par le ministère permettent de dresser un premier bilan de cette régionalisation, censée améliorer l’efficacité des procédures et le taux de transfert qui est devenu un indicateur de performance.
Le principal enseignement est que le taux de réponse favorable des Etats-membres est relativement faible puisqu’il est en moyenne de 62% et décroit avec le temps. En cause, la pratique préconisée par une circulaire désormais abrogée de 2016 qui a été partiellement annulée par le Conseil d’Etat, de saisir tous les Etats où un rapprochement positif dans la base Eurodac a été constaté alors que le règlement prévoit pourtant qu’un Etat-membre doit procéder à une détermination de celui-ci avant de le saisir. Dans certaines régions, ces refus constituent la majorité des résultats des saisines, comme en Bretagne et dans les Hauts de France.
En revanche, si on enlève ces ‘refus », la réforme des PRD a significativement augmenté le taux de transfert mais de façon inégale. Les très bons élèves sont les Hauts de France (20,6%) , le Grand Est,(34%) et la Bourgogne Franche Comté (49,7,%). En revanche, le taux de transfert est très faible en Ile-de France, Auvergne Rhône Alpes et Provence Alpes Côte d’Azur (autour de 10%)
En moyenne sur toute la période de 2017 à 2021, à peine 10% des saisines ont donné lieu à un transfert comptabilisé. Cela montre l »‘inefficacité » du dispositif mis en place par le ministère de l’intérieur.
L’un des enjeux de la mise en oeuvre des PRD était l’accélération des procédures de saisine, de notification et de transfert. Aucune donnée n’a été transmise par le ministère mais on peut reconstituer des chiffres à partir des décisions des juridictions administratives mises en ligne (CAA et CE). Elle est effective dans la plupart des préfectures compétentes pour ce qui concerne les saisines et les réponses des Etats-membres (avec qui il existent des accords administratifs pour réduire les délais comme avec l’Allemagne) même si certaines d’entre elles prennent un certain délai à notifier des décisions de transfert. En revanche, les délais de transfert sont désormais plus longs, en partie en raison de la prolongation pour fuite. En moyenne, une procédure Dublin dure 338 jours.
Les données, croisées avec celles de l’OFPRA, permettent d’estimer le nombre de demandeurs Dublinés qui étaient en cours de procédure à la fin de l’année 2021 à 59 00 personnes dont les trois quarts ont vu leur demande enregistrée les années précédentes et peuvent en grande partie être considérées en fuite.
On peut également estimer leur nombre en regardant les graphiques des rapports d’activité de l’OFII qui comptabilisent le nombre de bénéficiaires adultes par procédure. Alors que le nombre de Dubliné ·e·s était d’environ 59 000 fin 2021, celui des bénéficiaires n’était que de 15 000, ce qui explique en partie la chute spectaculaire du nombre total de bénéficiaires en 2021 qui est passait de 150 000 à 110 000.
Le ministère n’a pas transmis de données par nationalités alors que depuis juin 2020, il met en ligne des données comprenant les Dublinés sur Eurostat. Il s’agit des enregistrements et des demandes pendantes., qui peuvent être distribuées par nationalités. En comparant avec les chiffres de l’OFPRA et de la CNDA, on peut alors estimer leur nombre. L’Afghanistan est la première nationalité avec plus de 7 000 personnes, devant le Pakistan (4 600), la Guinée (4 200), le Bangladesh (3 900) et la Côte d’Ivoire (2 900)
Pour 2022, on ne dispose pas encore de données ventilées par département et encore moins par nationalités. Selon le dernier décompte du ministère de l’intérieur, 36 847 premières demandes et 2 886 demandes de réexamens dublinées soit 39 788 sont comptabilisées : 7 401 ont été « requalifées » dans l’année et 10 424 demandes enregistrées les années précédentes sont sorties de la procédure.
La comparaison entre les demandes enregistrées et celles introduites à l’OFPRA montrent pourtant un important différentiel. En particulier, en Ile de France, une bonne part des demandes afghanes, bangladaises et pakistanaises en forte augmentation ces derniers mois doivent passer par les fourches caudines de cette procédure.
Dans le même temps, l’OFPRA et dans une moindre mesure la CNDA continuent de réduire le nombre de demandes pendantes devant eux. L’OFPRA comptabilisait un peu plus de 47 000 demandes pendantes devant lui fin 2022 et la CNDA 27 563 recours soit au total en comptant les mineurs, autour de 80 000 demandes. Le nombre de demandes pendantes restant autour de 143 000, cela fait que les Dublinés sont désormais majoritaires avec 63 000 demandes pendantes. Or, ils sont pour une majorité d’entre eux privés des conditions matérielles d’accueil et n’entrent qu’à hauteur de 10% dans le dispositif national d’accueil. Même si leur demande est requalifiée, ils ne pourront pas intégrer un CADA ou un HUDA à l’heure où le nombre de places (autour de 109 000) pourrait théoriquement accueillir 80% de l’ensemble des demandeurs.
Disposer de données plus précises est donc un enjeu important et la Cimade demande qu’elles soient publiées dans le cadre de l’ouverture des données, prônée par les lois et le Premier ministre.
Auteur: Responsable national Asile
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